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Dossier : L’œuvre de Dieu en Chine aujourd’hui

(La Lumière du monde) : Alors que l’Occident autrefois chrétien s’enfonce dans l’apostasie en reniant son héritage chrétien et en adoptant un humanisme d’inspiration communiste adossé à toutes sortes d’idéologies transgressives, paradoxalement, un puissant mouvement de réveil spirituel se poursuit en Chine depuis la venue du communisme dans ce pays, soit plus de soixante-dix ans. En effet, le nombre de chrétiens est passé d’environ 1 million en 1949 à 100 millions aujourd’hui selon les estimations. Numériquement, il s’agit du plus grand réveil chrétien dans l’histoire. Comme l’on peut s’y attendre, cette croissance de l’Église chrétienne chinoise a été accompagnée de douleurs dues à d’intenses persécutions, et cette souffrance a produit les âmes les plus héroïques. L’Église chinoise souffrante et martyre n’aurait guère subsisté ni tenu ferme face à la féroce adversité du régime communiste sans l’assistance surnaturelle du Saint-Esprit fortifiant les cœurs et accompagnant le témoignage des disciples par de puissants signes et miracles (guérisons, charismes spirituels, exorcismes, etc.) Ces caractéristiques apostoliques de l’œuvre de Dieu  en Chine surprendront bien des chrétiens occidentaux, ou ne manqueront pas de susciter chez eux une attitude circonspecte, voire de mépris, tant leur théologie s’est imbibée du cessationnisme et d’une eschatologie ne laissant aucune place à un réveil à grande échelle dans leur conception de l’histoire de l’Église.

Mais l’œuvre de Dieu en Chine est bien plus profonde que ne laissent paraître ces images d’une croissance phénoménale et soutenue des églises dignes du livre des Actes. En réalité, le réveil en Chine se trouve aujourd’hui dans sa deuxième phase, qui est celle d’une réformation en cours. Si les manifestations de puissance étaient indispensables pour renverser les obstacles et arracher les âmes du royaume de Satan, l’Église chinoise, notamment dans les zones urbaines, aspire maintenant à affermir sa doctrine et sa théologie afin de répondre aux nombreux défis intellectuels et culturels qui se posent à elle. Les responsables chinois comprennent que la vision biblique offre une compréhension globale et articulée du monde, dans laquelle toutes les sphères d’activité humaine sont incluses. Plus spécifiquement, le calvinisme est embrassé par un grand nombre d’intellectuels chrétiens chinois, et notamment par les responsables d’églises de maison, ce qui sera certainement une source d’étonnement pour beaucoup d’autres chrétiens occidentaux pour lesquels la composante intellectuelle et théologique est considérée comme antinomique avec une œuvre de réveil. Malheureusement, l’anti-intellectualisme et le piétisme si prégnants dans l’Église occidentale, qui sont la contre-partie opposée d’un christianisme intellectuel, académique et formel, constituent l’une des plaies d’un christianisme décadent, flasque, sans ossature, livré aux dérives d’un illuminisme trompeur. D’un autre côté, l’aile intellectuelle de nos églises occidentales – y compris dans sa branche calviniste – reste le plus souvent dans le moule piétiste ou s’égare dans l’accommodement avec la pensée ambiante. Le christianisme chinois, quant à lui, évite ces deux écueils et sa situation présente toutes les caractéristiques d’une prochaine et dernière phase de réveil, c’est-à-dire la christianisation de la nation entière lorsque la réformation sera parvenue à sa pleine maturité et que la loi de Dieu se sera diffusée dans toutes les couches de la société à travers des hommes et des femmes ayant reçu Christ et vivant pleinement l’Évangile du royaume dans leurs sphères de souveraineté respectives.

Lorsqu’Alain Peyrefitte, alors ministre français chargé des réformes administratives sous Georges Pompidou, publia en juillet 1973 son livre Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera, il pressentait que cette grande nation, de par sa démographie imposante, jouerait un rôle important dans le concert des nations. Cinquante ans plus tard, la Chine est devenue la deuxième puissance économique mondiale et le spectre du communisme chinois étendant son influence idéologique comme une pieuvre sur tout l’Occident se retrouve en filigrane dans les événements politiques majeurs de notre époque. Une partie des prémonitions d’Alain Peyrefitte s’est donc vérifiée. Mais il est une chose qu’il n’avait pas anticipée : la chute imminente du communisme chinois et la victoire prochaine du christianisme qui, nous pouvons l’anticiper, sera concomitante au fait qu’à l’horizon 2030 la Chine deviendra le plus grand pays chrétien du monde, en termes numériques, d’après les experts. Si Alain Peyrefitte était encore vivant et devait aujourd’hui écrire une nouvelle édition de son livre, aurait-il l’intelligence et la sagacité d’un Alexis de Tocqueville pour comprendre que la Chine doit son identité prochaine et sa destinée au christianisme ? Pourrait-il écrire comme Tocqueville dans De la démocratie en Amérique que « c’est par une espèce d’aberration de l’intelligence, et à l’aide d’une sorte de violence morale exercée sur leur propre nature, que les hommes s’éloignent des croyances religieuses ; une pente invincible les y ramène. L’incrédulité est un accident ; la foi seule est l’état permanent de l’humanité » ?

Nous proposons ci-dessous plusieurs articles non nécessairement écrits par des chrétiens qui permettront aux chrétiens francophones d’appréhender l’œuvre multiforme et extraordinaire de Dieu en Chine. Ces articles sont suivis de plusieurs vidéos dont une série documentaire particulièrement édifiante, La Croix : Jésus en Chine. L’ensemble de ce dossier a pour but de susciter l’intercession pleine de ferveur et de larmes en faveur des chrétiens chinois persécutés, d’inspirer le désir de vivre une foi signifiant un engagement total pour Christ, loin de la superficialité courante, et de raviver une vision pleine d’espérance pour l’avenir. Si Dieu abaisse certaines nations, Il en élève d’autres. Et malgré les péripéties de l’histoire, il est une certitude : toutes les nations appartiennent à Christ et se tourneront vers Lui, avant Son retour ! Toutes les nations deviendront des disciples et marcheront à Sa lumière ! Mais la gloire de Dieu a un prix élevé. Puissent les chrétiens occidentaux recevoir un esprit brisé et se préparer autant à la persécution qui vient qu’à la gloire qui s’ensuivra.


Sommaire

  • La Chine rouge du sang des chrétiens
  • Chine : au cœur du plus grand réveil de l’histoire
  • Dieu a fait quelque chose de remarquable en Chine : entretien avec Paul HATTAWAY
  • Le Citoyen du ciel
  • Comment les chrétiens chinois perçoivent le christianisme occidental
  • Jésus à Pékin
  • L’essor du christianisme calviniste dans la Chine urbanisée
  • Le calvinisme chinois prospère.
  • Documentaire vidéo : La croix : Jésus en Chine
  • Vidéo : l’Église persécutée en Chine
  • Hudson Taylor, père de la mission de la Chine intérieure
  • Film chrétien : La vie de Hudson Taylor

La Chine rouge du sang des chrétiens

Par Pierre JOVA

Des Chinois chrétiens dans une église de Tianjin en 2013. Crédits photo : Kim Kyung Hoon/REUTERS.

FIGAROVOX/LIVRE – Dans son livre Dieu est rouge, l’écrivain dissident chinois Liao Yiwu revisite quarante années de persécution envers les chrétiens en Chine. Pierre Jova l’a lu pour FigaroVox.


Pierre Jova est journaliste. Il écrit notamment pour Causeur et Cahiers libres.


Dans l’Empire du Milieu, le Christ est plus populaire que Mao. Sur le site de microblogging Weibo, le «Twitter chinois», les contenus communistes sont dépassés par les conversations chrétiennes. Le réseau social chinois compte en effet plus de 17 millions de mentions du mot «Bible», contre 60 000 pour le Petit Livre rouge, et 18 millions d’occurrences pour Jésus, contre 4 millions pour l’actuel président de la République populaire et Secrétaire du Parti communiste Xi Jinping. Dans l’Empire du Milieu, le Christ est plus populaire que Mao. Sur le site de microblogging Weibo, le « Twitter chinois », les contenus communistes sont dépassés par les conversations chrétiennes.

La Chine compterait entre 70 et 100 millions de chrétiens, très majoritairement protestants. Depuis la fin de la Révolution culturelle, en 1976, les Églises n’ont cessé de croître. Passés sans transition d’une dictature marxiste à une dictature capitaliste, les 1,3 milliard de Chinois ont soif de sens et de spiritualité. Si les conversions peuvent être un effet de mode, poussé par une envie d’imiter l’Occident, réputé chrétien, la foi repose surtout sur la fidélité de générations entières de Chinois qui sont restés fervents, envers et contre tout.

À la rencontre des chrétiens persécutés

Écrivain dissident, emprisonné après Tienanmen, Liao Yiwu a découvert les chrétiens en prison. Impressionné par leur courage, il s’est donné pour mission de témoigner pour eux. Les différentes épurations internes au Parti communiste ont empêché toute constitution d’une documentation historique chinoise cohérente. Les livres d’histoire sont constamment modifiés et remaniés. Avec Dieu est rouge, en donnant la parole aux chrétiens ayant vécu les persécutions, Liao Yiwu, au contraire, restitue la mémoire. Son livre est un double hommage : aux chrétiens persécutés, et à tout le peuple chinois, qui a le droit de connaître son histoire enfouie.

Liao Yiwu est allé à la rencontre des chrétiens de la région du Yunnan, au Sud-Ouest de la Chine. C’est dans cette contrée montagneuse, couverte de forêts et de rizières, que le christianisme a pénétré l’Empire du Milieu, au milieu du XIXe siècle. Des missionnaires anglo-saxons protestants et français catholiques y fondirent des écoles, des hôpitaux et des églises, apprenant la langue et les coutumes des habitants. Les chrétiens se multiplièrent dans la population.

Le titre de l’enquête de Liao Yiwu, Dieu est rouge, renvoie aussi bien au rouge du communisme officiel, peu à peu remplacé par le christianisme, qu’à la terre rouge des monts du Yunnan. Rouge du sang des martyrs. En 1949, Mao Zedong s’empare de Pékin et proclame la République populaire de Chine. Très vite, les autorités cherchent à placer le christianisme sous contrôle. Les protestants sont sommés d’adhérer au Mouvement patriotique des Trois Autonomies, les catholiques à l’Association patriotique catholique chinoise. Des Églises «officielles», coupées de l’étranger, donc du Vatican, pour les catholiques. La majorité des chrétiens chinois refusent de se soumettre, et rallient les Églises «souterraines», clandestines.

Les martyrs de la Révolution culturelle

La persécution monte d’un cran lors de la Révolution culturelle, de 1966 à 1976. Il s’agit non plus de contrôler, mais d’éradiquer le christianisme et toute autre religion. Les chrétiens arrêtés doivent prêter le serment des «trois fidélités» : au président Mao, à la pensée du président Mao et à la ligne révolutionnaire du président Mao. S’ils refusent, ils sont exécutés, emprisonnés, ou déportés pour le laogai, «la rééducation par le travail», les goulags chinois.

Sous la plume de Liao Yiwu, les témoins de ce déluge confient leurs souffrances. Les exécutions collectives, les actes d’accusations contre les «chiens courants de l’impérialisme», les campagnes contre «l’opium spirituel du peuple». Les destins héroïques sont innombrables. Le vieux pasteur Xie Moshan est ainsi détenu dans la prison de Shanghai. Battu à mort, désespéré, il tente de s’électrocuter avec le plafonnier de sa cellule, en montant sur un tabouret. Il se remémore un verset de l’apôtre Paul : «ma grâce te suffit» (2 Corinthiens 12:9). Réconforté, il tient bon jusqu’à sa libération.

Une persécution toujours vivace

« Il est impossible d’éliminer Dieu du cœur des hommes », déclare placidement un survivant de la Révolution culturelle, le pasteur Yuan Fusheng.

Pasteur Yuan Fusheng.

La mort de Mao et l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping en 1978 stoppe la folie. En 1982 l’activité religieuse est de nouveau légale, à condition d’être contrôlée par les Églises officielles. Une situation qui dure encore aujourd’hui. La persécution est plus «douce», mais n’en reste pas moins vivace. Un médecin témoigne qu’il a dû quitter son hôpital, car il refusait d’adhérer au Parti communiste.

«Je crois en Jésus, je ne peux faire qu’un seul choix. Je choisis Dieu.»

Les Églises clandestines sont soumises à des rafles, des écoutes, des vexations. Mais les chrétiens, indomptables et pacifiques, ont l’espérance chevillée à l’âme :

«Il est impossible d’éliminer Dieu du cœur des hommes»,

déclare placidement un survivant de la Révolution culturelle, le pasteur Yuan Fusheng. Parmi les jeunes, He Lu, 24 ans, affirme avec l’assurance des convertis : «le taoïsme est trop détaché du monde. Il n’y a que le christianisme dont l’esprit est ouvert et vaste.» D’après les experts, la population chrétienne chinoise dépassera les 247 millions en 2030, ce qui ferait de la Chine le premier pays chrétien du monde.

Ce recueil de témoignages héroïques est l’occasion de lever le voile sur la situation des chrétiens de Chine, et sur l’état de la société chinoise. Pour un dissident comme Liao Yiwu, qui hésite à franchir le pas du christianisme, les chrétiens constituent une source d’inspiration et d’exemplarité intarissable.

Ouvrant des perspectives sur la Chine de demain, Dieu est rouge a des accents prophétiques, dignes de l’épître à Diognète, lettre anonyme du IIe siècle, décrivant ainsi les chrétiens :

«Les chrétiens, persécutés, se multiplient de jour en jour. Le poste que Dieu leur a fixé est si beau qu’il ne leur est pas permis de le déserter.»

Épître à Diognète.

Un contemporain des persécutions romaines, l’écrivain Tertullien, qui embrassa le christianisme, avait lui-même constaté :

«Le sang des martyrs est semence de chrétiens.»

Tertullien (160 – 220).

Dieu est rouge de Liao Yiwu, Revue Books, février 2015, 464 pages, 24 €.

Source : https://www.lefigaro.fr/vox/culture/2015/03/12/31006-20150312ARTFIG00119-la-chine-rouge-du-sang-des-chretiens.php

Article originellement publié le 14 mars 2015 par FigaroVox.


Chine : au cœur du plus grand réveil de l’histoire

L’auteur à succès Paul Hattaway nous donne un rare aperçu de l’Église souterraine de Chine.

Par Paul HATTAWAY

Elle a été décrite comme le Plan Marshall chinois, une Route de la Soie du XXIème siècle et une campagne soutenue par l’État en vue de la domination du monde. L’initiative « Une ceinture, une route » (yi dai yi lu) est le plan du président Xi Jinping visant à relier l’Asie, l’Afrique et l’Europe à travers une « ceinture » de corridors terrestres et une « route » maritime de voies de navigation. L’objectif est simple : la Chine veut devenir la nouvelle superpuissance mondiale, dotée de l’économie et de l’armée les plus puissantes du monde.

Les Chinois ne sont pas pressés, mais sont déterminés à avancer progressivement vers cette vision. Les dirigeants communistes derrière ce projet sont des athées purs et durs qui désirent un pouvoir absolu sur ce que les gens disent, font et même pensent. Quiconque peut constituer une menace pour leurs objectifs est maîtrisé ou éradiqué. Contrairement à presque toutes les prédictions, ces dernières années ont vu la persécution contre les chrétiens en Chine monter en flèche à des niveaux jamais vus depuis la Révolution culturelle (1966-1976). Nous vivons une époque effrayante pour les adeptes de la religion en Chine, et les chrétiens ne sont pas le seul groupe menacé. La BBC estime que jusqu’à 3 millions de musulmans ont été détenus dans des camps de concentration dans la région du Xinjiang.

En décembre de l’année dernière, plus de 100 membres de l’église Early Rain Covenant à Chengdu ont été arrêtés, dont le pasteur Wang Yi et son épouse, Jiang Rong. Prévoyant cette circonstance, le pasteur Wang a écrit une lettre qui serait publiée par son église au cas où il serait détenu pendant plus de 48 heures. Plusieurs milliers de chrétiens partout dans le monde ont lu la lettre lorsqu’elle a été publiée en ligne. Le pasteur Wang y déclarait :

« Séparez-moi de ma femme et de mes enfants, ruinez ma réputation, détruisez ma vie et ma famille – les autorités sont capables de faire toutes ces choses. Cependant, personne dans ce monde ne peut me forcer à renoncer à ma foi… Jésus est le Christ, Fils du Dieu éternel et vivant. Il est mort pour les pécheurs et est ressuscité pour nous. Il est mon roi et le roi de toute la terre hier, aujourd’hui et pour toujours. Je suis son serviteur et je suis emprisonné à cause de cela. Je résisterai avec douceur à ceux qui résistent à Dieu, et je transgresserai avec joie toutes les lois qui violent les lois de Dieu. »

Au cours des deux dernières années, des centaines de responsables du mouvement chinois des églises de maison ont connu un sort similaire à celui du pasteur Wang. Beaucoup ont disparu dans le système des « prisons noires » et on n’a plus jamais été entendu parler d’eux. Ces prisons noires sont des lieux secrets en dehors du système judiciaire, où les victimes sont souvent torturées sans pitié, sans aucun espoir d’obtenir justice. Les membres de la famille ne sont pas informés du lieu où se trouvent les détenus, et aucun visiteur ni représentant légal n’est autorisé à entrer.

De nombreux responsables d’églises de maison en Chine affirment que le président Xi est déterminé à terminer le travail commencé par le président Mao, à savoir l’éradication complète du christianisme du pays. Une technologie remarquablement invasive est déployée, avec des dizaines de millions de caméras de reconnaissance faciale capables d’identifier et de suivre toute personne que le gouvernement considère comme une menace, y compris les chrétiens qui se rassemblent pour prier.

A l’intérieur des églises de maison

Même si nous entendons souvent des récits de persécution en Chine, de nombreux rapports font également état de miracles et de conversions massives. L’Église est passée d’environ 1 million de croyants lors de l’avènement du communisme en 1949 à environ 100 millions aujourd’hui ! Numériquement, au moins, il s’agit du plus grand réveil de l’histoire chrétienne. Le Saint-Esprit a accompli une grande œuvre et les enfants de Dieu ont appris qu’ils deviennent plus forts lorsqu’ils sont soumis à une forte pression.

Environ 60 millions de chrétiens chinois sont membres d’églises de maison évangéliques non enregistrées, qui ont été de plus en plus ciblées au cours de ces dernières décennies. Leur refus de s’enregistrer auprès des autorités communistes signifie que les églises de maison sont techniquement illégales et subissent donc le poids de la persécution la plus intense.

NOUS VIVONS UNE ÉPOQUE EFFRAYANTE POUR LES ADEPTES DE LA RELIGION EN CHINE.

Depuis les années 1980, lorsque j’ai commencé à m’impliquer dans l’œuvre chrétienne en Chine, j’ai eu le privilège d’assister à un certain nombre de ces réunions d’églises clandestines. À une occasion, j’ai été récupéré par un chauffeur chinois dans une camionnette aux vitres teintées et conduit plusieurs heures dans la campagne. On m’a demandé de m’asseoir à l’arrière, de porter un manteau à capuche et de garder la tête baissée chaque fois que nous approchions d’un barrage routier ou d’une intersection. Une fois arrivé à destination, on m’a accordé un peu de temps pour m’installer, avant d’être conduit dans une salle de réunion insonorisée avec des cartons d’œufs fixés aux murs, tandis que des fenêtres à triple vitrage empêchaient le son des chants et des prédications d’atteindre la rue à l’extérieur. Des dizaines de responsables d’églises de maison m’attendaient dans la salle de réunion, dont beaucoup avaient parcouru de longues distances pour être là. Avec des visages débordants de l’amour et de la lumière de Jésus, j’ai été chaleureusement accueilli comme un frère perdu depuis longtemps.

Comme c’est la coutume lors de ces réunions, je devais enseigner la Parole de Dieu par sessions de trois à quatre heures, séparées par des pauses repas. Chaque journée commençait par une prière collective à 7 heures du matin et se terminait tard dans la soirée, ou parfois même après minuit, si le Saint-Esprit était particulièrement présent. En tant qu’enseignant invité, on m’a donné ma propre chambre pour dormir, tandis que les Chinois s’allongeaient sur des nattes côte à côte et de la tête aux pieds. Quand le nouveau jour se levait, la routine se répétait.

Les chrétiens chinois m’ont toujours impressionné par leur organisation et leur ingéniosité. À l’époque des cassettes, ils disposaient d’une série de machines pour enregistrer chaque message. À mesure que la technologie progressait, les magnétophones ont été remplacés par des lecteurs de CD, puis par des smartphones. Si l’enseignement était considéré comme une terre utile ointe par l’Esprit de Dieu, les enregistrements étaient transférés vers un emplacement central, où des machines de duplication en masse produisaient rapidement des centaines de copies. Ils ont été distribués partout et recopiés jusqu’à ce qu’ils aient fait leur chemin à travers les réseaux d’églises de maison. En quelques jours, des dizaines de milliers de croyants chinois auront peut-être déjà écouté le message.

Un glorieux désordre

J’ai trouvé que la partie la plus difficile des réunions de maison était les moments de prière intense, qui duraient souvent des heures. Chaque croyant s’agenouillait et criait à Dieu depuis les profondeurs de leurs âmes. Pour m’intégrer à ces réunions, je m’agenouillais, moi aussi, sur le sol froid et dur. J’ai découvert que le sol était souvent mouillé par les larmes des croyants alors qu’ils intercédaient avec ferveur.

Pour être honnête, j’ai parfois eu les larmes aux yeux pendant ces longues réunions de prière, non pas par compassion, mais parce que je me sentais sur le point de m’évanouir à cause de la douleur dans mes genoux, surtout en hiver, lorsque mes jambes tombaient complètement engourdis à force de s’agenouiller. En participant à des réunions dans des régions qui ont été touchées par un puissant réveil envoyé du ciel, j’ai parfois découvert que mon esprit était bien disposé, mais que ma chair était faible (Matthieu 26:41). À certaines occasions, je pense avoir eu un aperçu de ce à quoi ressemblaient les réunions de réveil à l’époque de John Wesley, George Whitefield, Charles Finney ou Evan Roberts. D’après mon expérience, lorsque le Saint-Esprit suscite un véritable réveil dans une communauté, c’est à la fois exaltant et terrifiant, joyeux et épuisant.

Quelqu’un m’a demandé un jour de décrire en quelques mots le réveil chinois. J’y ai réfléchi un instant et j’ai répondu : « Un glorieux désordre ! »

Lorsque le Saint-Esprit suscite un véritable réveil dans une communauté, c’est à la fois exaltant et terrifiant.

De nombreux chrétiens supposent que l’Église, au milieu d’un réveil envoyé du ciel, doit être en ordre, structurée et hautement unifiée – une représentation presque parfaite du corps du Christ sur terre. La réalité, cependant, est que l’Église chinoise en temps de réveil a dû faire face à de nombreux problèmes, tentations, épreuves et faiblesses. Il s’agit notamment de débats théologiques entre différents responsables et du traitement des membres qui tombent dans le péché, ainsi que de ceux qui provoquent des divisions, tout comme dans les églises du Nouveau Testament.

La plus grande faiblesse de l’Église chinoise est le manque de formation théologique. Certains ont critiqué le réveil parce qu’il était large d’un kilomètre, mais seulement d’un centimètre de profondeur. Il y a une part de vérité dans cette affirmation, mais les étrangers ne réalisent souvent pas que le manque de profondeur théologique en Chine aujourd’hui est en grande partie dû à la persécution. Le plan du gouvernement, qui dure depuis plusieurs décennies, visant à priver les églises de maison de bibles et d’autres ressources, et à empêcher leurs membres de fréquenter les séminaires, a créé un grand vide, laissant de nombreux chrétiens susceptibles de se tromper et d’être attirés par les nombreuses sectes actives en Chine aujourd’hui.

La réalité est que le puissant réveil qu’a connu la Chine au cours des quarante dernières années n’a pas été l’œuvre d’hommes et de femmes. Il a été un acte souverain de Dieu, qui a choisi de manifester Sa gloire à travers des vases faibles, «afin qu’en toutes choses Dieu soit loué par Jésus-Christ. A lui soient la gloire et la puissance pour toujours et à jamais » (1 Pierre 4 :11).

Oeufs et évangélisation

Pendant plusieurs années, j’ai eu le privilège de voyager à travers la Chine, rencontrant et enregistrant les témoignages de nombreux responsables d’églises de maison âgés, qui ne veulent pas que l’histoire de l’œuvre de Dieu en Chine aille avec eux dans la tombe. Parmi les centaines de témoignages oculaires émouvants que j’ai entendus, deux me viennent à l’esprit qui offrent un aperçu unique du caractère de Dieu et de la touche particulière du Saint-Esprit, qui a caractérisé le réveil chinois.

Dans les années 1980, de nombreux responsables d’églises de maison dans une certaine province ont été emprisonnés et contraints d’effectuer de durs travaux dix-huit heures par jour, sept jours par semaine. Totalement épuisés, ils ont lutté pour survivre sous une intense pression spirituelle, physique et mentale. Pour aggraver les choses, la nourriture en prison était épouvantable et les hommes n’avaient pas mangé de protéines depuis des semaines. Dans une cellule, trois pasteurs ont crié à Dieu et Lui ont demandé miséricorde. L’un d’eux a fait une prière toute simple : « Seigneur Jésus, s’il te plaît, envoie-nous des protéines pour que nous ayons la force d’endurer chaque jour. »

Quelques instants plus tard, un gros rat qu’ils avaient entendu courir à l’intérieur du mur est apparu au fond de la cellule. Le rat a roulé un œuf de poule sur le sol et l’a laissé juste devant les pasteurs stupéfaits ! Pendant des semaines, la même chose s’est produite, le rat faisant rouler un nouvel œuf dans la cellule à la même heure chaque jour. Les protéines ont fait une énorme différence pour les pasteurs et les ont aidés à supporter la charge de travail incessante.

Les chrétiens chinois ont appris à ne pas compter sur leurs propres forces.

La deuxième histoire s’est produite dans la région de Wanxian, dans l’est du Sichuan, après l’arrivée d’une équipe de 16 évangélistes d’églises de maison de la province voisine du Henan pour prêcher l’Évangile. Les évangélistes furent choqués de découvrir que le peuple les méprisait et n’écoutait pas leur message. Pendant des générations, des bandits du Henan avaient traversé les montagnes à cheval jusqu’à Wanxian et attaqué les communautés locales, emportant leurs biens et leurs jeunes femmes comme épouses et concubines. Des siècles d’amertume s’étaient ensuivis et les habitants de Wanxian en étaient devenus intensément à détester quiconque du Henan.

Malgré l’accueil négatif, les évangélistes ont refusé d’abandonner, même après avoir été brutalement battus à coups de pierres et de bâtons par les habitants qui ont tenté de les chasser. Les évangélistes décidèrent de rester jusqu’à ce que Dieu leur dise le contraire. Ils ont ciblé un village particulier où l’hostilité était la plus grande, et les 16 évangélistes ont décidé de jeûner et de prier.

Tandis qu’ils recherchaient la volonté de Dieu, le Seigneur s’adressa individuellement à chaque membre de l’équipe en disant : « Lavez les pieds du peuple. » Ils n’ont pas compris, car ils pensaient que le lavement des pieds était réservé aux membres du corps de Christ, mais ils ont décidé d’obéir. Trouvant de vieux seaux et récipients abandonnés, ils les remplirent d’eau, se rendirent à l’entrée du village et attendirent que les agriculteurs reviennent des champs après leur longue journée de travail.

Les mois passèrent et les évangélistes n’avaient toujours pas conduit une seule personne à Christ dans cette région. Chaque fois que les chrétiens proposaient de laver les pieds des paysans, ils étaient moqués et rejetés, et certains se voyaient jeter des seaux d’eau sur la tête. Les évangélistes, cependant, restèrent convaincus que Dieu leur avait dit de laver les pieds du peuple, ils refusèrent donc d’abandonner.

Après un certain temps, les agriculteurs ont compris qu’il était utile de se faire laver les pieds sales, mais ils ne voulaient pas laisser les évangélistes leur parler. Pendant près de trois ans, les croyants ont prié tranquillement pour chaque personne tout en se lavant les pieds. Malgré les étés rigoureux et les hivers extrêmement froids, ils ont continué à s’asseoir à l’entrée du village et à prier pour le salut du peuple.

Finalement, un vieil homme n’en pouvait plus. Il a demandé aux croyants ce qui les avait motivés à rester si longtemps et à endurer un tel mépris. Les évangélistes lui dirent que le Fils de Dieu ressuscité leur avait dit de laver les pieds du peuple et qu’ils étaient déterminés à obéir à son commandement.

En entendant cela, l’homme s’est effondré sous une intense conviction et est devenu le premier chrétien de ce village. Les vannes se sont ouvertes et le salut s’est répandu comme une traînée de poudre. En trois semaines, 1 500 personnes avaient abandonné leur vie à Christ. Les nouveaux croyants ont rapidement apporté l’Évangile dans d’autres régions, et aujourd’hui, environ 30 000 à 50 000 personnes ont accepté Christ à Wanxian.

Ce témoignage incarne le meilleur du réveil chinois. Les croyants ont appris à ne faire confiance qu’à Christ et sont prêts à accomplir des tâches humbles qui n’ont guère de sens pour la raison humaine, comme laver les pieds de villageois hostiles pendant près de trois ans avant de constater une avancée.

Joyaux précieux

Le réveil en Chine a connu une transformation spectaculaire depuis que de nouvelles lois draconiennes ont été mises en œuvre l’année dernière. Presque du jour au lendemain, des milliers d’églises ont cessé de se réunir en grandes congrégations et se sont divisées en petits groupes de quatre ou cinq croyants maximum. La plupart des écoles bibliques clandestines ont pour l’instant été fermées. Cependant, au cours de ces dernières semaines, des informations sont parvenues à notre ministère selon lesquelles ces changements dramatiques survenus en Chine entraînent la croissance des églises dans de nombreux domaines, alors que la lumière de l’Évangile attire de nouvelles personnes vers la foi dans une société confuse et instable.

Il existe une ancienne histoire chinoise concernant un homme nommé Bian qui vivait environ 500 ans avant Jésus-Christ. Après avoir découvert une grosse pierre, qui était en réalité un morceau de jade non poli, il la présenta à l’empereur. Malheureusement, le souverain ne vit qu’une pierre sans valeur, pensa qu’il était l’objet d’une tromperie et ordonna que le pied gauche de Bian fût coupé. Bian envoya plus tard le même cadeau à l’empereur suivant, qui crut qu’il était insulté et ordonna que le pied droit de Bian soit coupé. Lorsqu’un troisième empereur monta sur le trône, Bian tint le jade dans ses bras à l’extérieur du palais et pleura pendant trois jours et trois nuits. L’empereur envoya quelqu’un enquêter et ordonna que la pierre soit polie. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’ils découvrirent le magnifique jade qu’elle contenait.

Un jour, la Chine (et bien d’autres nations) découvriront que les chrétiens qu’ils ont torturés et opprimés, qu’ils considéraient comme des morceaux de pierre ignorants et sans valeur, sont en réalité des joyaux polis envoyés par Dieu pour leur apporter la bénédiction du salut en Christ.

Quelles que soient les difficultés qu’ils seront appelés à endurer dans les années à venir, les chrétiens de Chine savent que leur Père céleste aimant ne les quittera jamais (Hébreux 13:5). Dans le passé, Il les a toujours portés à travers les flammes, et ils savent qu’Il le fera encore.

Dans leur humiliation, ils ont appris à ne pas compter sur leurs propres forces ni à faire confiance aux traditions ou aux programmes créés par l’homme. Leur foi a été éprouvée et, comme l’apôtre Paul, l’Église chinoise d’aujourd’hui est en mesure de témoigner que :

« Nous avons ce trésor dans des vases d’argile pour montrer que cette puissance surpassante vient de Dieu et non de nous. Nous sommes pressés de toutes parts, mais pas écrasés ; perplexe, mais pas désespéré ; persécuté, mais pas abandonné; abattu, mais pas détruit. Nous portons toujours dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus se révèle aussi dans notre corps.»

2 Corinthiens 4 :7-10.

Dieu a fait quelque chose de remarquable en Chine : une entrevue avec Paul HATTAWAY

Le plus grand réveil de l’histoire chrétienne : PneumaReview.com s’entretient avec le contrebandier de la Bible et missionnaire en Asie, Paul Hattaway, à propos de son ministère et de sa nouvelle autobiographie, An Asian Harvest.

PneumaReview.com : Vous êtes le fondateur d’un ministère appelé Asia Harvest. Qu’est-ce qui vous a incité à démarrer ce ministère et quels types de travail Asia Harvest réalise-t-il ?

Paul Hattaway : Notre objectif principal est d’équiper les croyants asiatiques pour qu’ils puissent atteindre les groupes ethniques encore non atteints dans leurs pays. Fondamentalement, partout où il reste des tribus et des groupes de personnes qui n’ont pas entendu l’Évangile, nous voulons les aider à être sauvés et à marcher en communion avec le Seigneur Jésus. Nous soutenons actuellement plus de 1 500 évangélistes travaillant auprès de plus de 800 groupes ethniques.

Par la puissance de Dieu, aucune porte n’est fermée à moins qu’Il ne les ferme !

Paul Hattaway.

Asia Harvest est un lien entre les chrétiens du monde entier et les croyants d’Asie, notamment dans les pays « fermés » où l’Évangile n’est pas le bienvenu. Cependant, par la puissance de Dieu, nous avons découvert qu’aucune porte n’est fermée à moins qu’Il ne les ferme ! Nous aidons à accomplir ce travail à travers divers projets stratégiques, notamment l’impression de la Bible (maintenant en 93 langues différentes dans toute l’Asie), le soutien aux évangélistes de première ligne parmi les non-atteints et diverses autres initiatives.

PneumaReview.com : Depuis combien de temps êtes-vous impliqué dans ce ministère ? Où l’avez-vous exercé et qu’avez-vous vu Dieu faire là-bas ?

Paul Hattaway : Octobre 2017 marque le trentième anniversaire de ma rencontre avec le Seigneur, et six mois seulement après ma conversion, Il m’a appelé à le servir en Chine, cela fait donc longtemps. J’ai fait un voyage de six semaines pour transporter des bibles en Chine, mais le Seigneur me réservait une surprise et ce fut le début d’un engagement qui a duré trente ans !

Au fil des années, notre ministère Asia Harvest s’est élargi et est impliqué désormais dans des œuvres dans plus d’une douzaine de pays asiatiques. Nous avons le privilège de servir Dieu en Chine, en Inde, au Népal, au Bangladesh, en Indonésie, au Vietnam, au Laos et dans d’autres pays.

PneumaReview.com : Peu de temps après être devenu chrétien, vous êtes devenu « un âne pour Jésus ». D’où vient cette expression ?

Paul Hattaway : Être « un âne pour Jésus » est un terme créé dans les années 1980 pour décrire les nombreux chrétiens qui se rendaient à Hong Kong pour transporter des bibles de l’autre côté de la frontière aux chrétiens affamés spirituellement de Chine continentale. Ce fut un grand honneur d’être ainsi un âne pour le Seigneur et ce fut le début de mon service dans le royaume de Dieu. Plusieurs autres responsables dans le ministère que nous connaissons ont également débuté de cette façon.

Bien que les choses aient changé depuis les années 1980, notre appel et notre passion à apporter la Parole de Dieu aux croyants en Chine sont restés les mêmes, et l’année dernière, nous avons franchi le cap des dix millions de bibles chinoises imprimées et distribuées pour l’Église en Chine. Comme nos bibles sont uniquement destinées aux croyants des mouvements (illégaux) des églises de maison, le projet comportait un grand risque, mais au fil des années, Dieu nous a surnaturellement protégés et nous a permis de continuer malgré de nombreuses pressions. Nous avons écrit un bulletin d’informations célébrant l’atteinte de cet objectif et l’avons appelé « Dix millions de miracles » parce que chaque bible est un miracle. Toute la gloire revient au Seigneur Jésus !

PneumaReview.com : Vous êtes probablement mieux connu pour avoir écrit le livre The Heavenly Man (Le Citoyen céleste) sur Frère Yun. Quels sont les autres livres que vous avez écrits ?

Paul Hattaway : Parmi les autres livres que j’ai eu la chance d’écrire, citons un certain nombre de grands livres de prière en couleur comme Opération Chine et Peuples du monde bouddhiste, plusieurs livres relatifs à l’Église en Chine et au réveil remarquable du Saint-Esprit, notamment Back to JerusalemLiving Water et d’autres.

Je travaille actuellement sur une série massive d’environ 18 livres intitulée « Les Chroniques de Chine » . Il s’agit d’un récit région par région de toutes les choses étonnantes que Dieu a faites pour atteindre la Chine. Les livres s’appuieront sur des centaines d’entretiens personnels avec des responsables d’églises recueillis au cours des vingt-cinq dernières années. Une grande partie des ressources n’a jamais été partagée en public auparavant. J’ai découvert que même si la plupart des chrétiens du monde entier sont conscients que Dieu a fait quelque chose de remarquable en Chine, peu de gens comprennent « comment » et « pourquoi » le plus grand réveil de l’histoire chrétienne s’y est produit.

Alors que la plupart des chrétiens du monde entier sont conscients que Dieu a fait quelque chose de remarquable en Chine, peu de gens comprennent comment et pourquoi le plus grand réveil de l’histoire chrétienne s’y est produit.

Paul Hattaway.

Le premier livre de la série The China Chronicles devrait sortir début 2018, et il est prévu d’en publier un nouveau tous les six mois jusqu’à ce que la série soit terminée. D’ici là, je suis convaincu que les lecteurs intéressés comprendront et apprécieront bien mieux tout ce que le Seigneur Jésus a fait pour atteindre le pays le plus peuplé du monde !

PneumaReview.com : Il existe un certain nombre de ministères qui fournissent des bibles à la Chine. Les efforts combinés de ces diverses organisations répondent-ils au besoin de bibles en Chine ?

Paul Hattaway : En fait, si vous parlez de fournir des bibles aux 70 à 80 millions de croyants des églises de maison en Chine, vous constaterez que les choses ont radicalement changé au cours des cinq ou dix dernières années. Il y a encore très peu de ministères impliqués dans la distribution des Écritures aux églises de maison chinoises. De nombreux ministères ont été fermés par le gouvernement chinois à la suite de menaces et d’intimidations, d’arrestations de distributeurs en Chine, etc. Au cours de l’année dernière, plusieurs ministères petits, mais efficaces, basés à Hong Kong et fournissant des bibles en Chine, ont été fermés ou expulsés.

Sans les dons et la puissance du Dieu vivant, rien du réveil en Chine n’aurait eu lieu.

Paul Hattaway.

Le besoin de bibles reste donc aigu en Chine, en particulier pour les nouveaux croyants dans les zones rurales du pays, où le réveil continue de briller le plus. Alors que dans les grandes villes, il est possible pour les croyants d’accéder à la Bible sur leurs smartphones, dans les campagnes, 99 % des croyants veulent et ont encore désespérément besoin de bibles papier. Heureusement, grâce à la diligence de nos collègues chinois, nous sommes en mesure d’imprimer et de livrer des bibles chinoises complètes pour seulement 1,80 $ pièce.

PneumaReview.com : D’après votre livre, An Asian Harvest, il est clair que vous avez une expérience significative avec l’Église clandestine en Chine. D’après votre expérience, diriez-vous que les dons du Saint-Esprit, tels que décrits par l’apôtre Paul dans 1 Corinthiens 12, sont évidents dans l’Église souterraine ?

Paul Hattaway : Non seulement tous les dons de l’Esprit sont évidents parmi les églises de maison en Chine, mais au fil des années, j’ai eu la chance d’entendre parler de tant de miracles extraordinaires en Chine qu’on pourrait dire que tous les miracles de la Bible se produisent. au moins une fois quelque part en Chine chaque année. Ceux-ci comprennent même des miracles comme la multiplication de la nourriture, et j’ai personnellement interviewé trois personnes qui ont vu des morts ressusciter grâce à la prière, dont un homme décédé. Tous ces témoignages, attestés par de nombreux témoins, feront partie de la nouvelle série de livres qui paraîtra l’année prochaine.

Concernant les dons du Saint-Esprit décrits dans 1 Corinthiens 12, ils se manifestent tous dans les églises de maison chinoises, de différentes manières et avec divers degrés d’importance. Sans les dons et la puissance du Dieu vivant, rien du réveil en Chine n’aurait eu lieu. Cela a été un miracle souverain du Seigneur, et pas seulement l’œuvre d’hommes et de femmes. Il a répandu son Esprit sur des vases brisés et humbles (et repentants), et le résultat a été que plus de 100 millions de personnes se sont tournées vers Jésus et ont vu leurs vies puissamment transformées. En fin de compte, personne ne pourra revendiquer quoi que ce soit dans le réveil chinois. Tout le monde verra et reconnaîtra qu’il s’agit d’un acte surnaturel de Dieu.

En fin de compte, personne ne pourra revendiquer quoi que ce soit dans le réveil chinois. Tout le monde verra et reconnaîtra qu’il s’agit d’un acte surnaturel de Dieu.

Paul Hattaway.

Je voudrais également ajouter que le réveil en Chine, bien qu’il comporte des faiblesses comme tous les réveils de l’histoire, n‘est fondamentalement pas le même que de nombreux mouvements du Saint-Esprit qui se sont produits dans d’autres parties du monde au cours de ces dernières décennies. Tous les véritables réveils dans l’histoire sont marqués par une véritable repentance et un abandon du péché, une profonde crainte de Dieu alors que Sa terrible présence descend sur des communautés entières, ainsi que par une quête de sainteté et par une faim de la Parole de Dieu. Tout « réveil » sans la présence de ces facteurs n’est pas un véritable mouvement de Dieu.

PneumaReview.com : Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le ministère d’Asia Harvest, où peuvent-ils obtenir de plus amples informations ?

Paul Hattaway : Merci pour l’opportunité de partager avec vous. Les gens peuvent en apprendre davantage sur le travail d’Asia Harvest ou s’inscrire pour recevoir nos lettres de nouvelles gratuites, en savoir plus sur nos livres et autres ressources en visitant notre site Internet : www.asiaharvest.org.

Nous pouvons toujours être contactés par courriel à : office@asiaharvest.org.

Source : http://pneumareview.com/god-has-done-something-remarkable-an-interview-with-paul-hattaway/

Article original en anglais publié le 15 octobre 2017.

A propos de Paul HATTAWAY

Paul Hattaway est originaire de Nouvelle-Zélande. C’est un expert de l’Église chinoise, le fondateur et directeur d’Asia Harvest et l’auteur du livre à succès Le Citoyen céleste avec Frère Yun (Monarch) et de la série The China Chronicles (SPCK).

Source : https://www.premierchristianity.com/features/china-inside-the-biggest-revival-in-history/3516.article


Le citoyen du ciel

Par Frère YUN et Paul HATTAWAY

Résumé du livre

« Ce ne sont pas les chrétiens en prison pour la cause du Seigneur qui souffrent. Ceux qui souffrent réellement sont ceux qui n’expérimentent jamais la présence de Dieu. » Prononcées par un chrétien qui a connu les pires tortures dans les prisons chinoises, ces paroles laissent entrevoir la puissance du témoignage de frère Yun. Issu du fin fond d’une zone rurale de Chine et sans aucun accès à la Bible, Yun est rejoint par le Seigneur de façon extraordinaire, ainsi que sa famille. Il entame alors un cheminement fulgurant à la suite de Jésus. Les miracles dignes des temps bibliques qui rendent possible son avancée avec le Seigneur sont à la mesure des fortes persécutions qui l’accompagnent – emprisonnements, tortures… – et du désert spirituel dans lequel il évolue. De prisons en cavales, cet apôtre infatigable amène de nombreux cœurs au Christ, surtout les plus endurcis.

Considéré par la police comme l’un des criminels les plus recherchés de Chine, le « Citoyen du Ciel » a été emprisonné une quinzaine de fois dans son pays. Frappé, maltraité et torturé, il est resté fidèle à Jésus-Christ et n’a jamais fait de compromis.

Lors de sa dernière incarcération dans une prison de haute sécurité, frère Yun a eu les jambes fracturées par ses bourreaux. Alors qu’il était estropié, il a reçu l’ordre de Dieu de s’échapper. Mettant sa foi en action, Yun s’est levé… et les portes de la prison se sont ouvertes devant lui !

A l’image des chrétiens des églises de maisons chinoises, le « Citoyen du ciel » est entièrement consacré au Dieu vivant et vrai, quel que soit le prix à payer. En 1997, il a pu fuir miraculeusement hors de Chine. Mais en 2001, il s’est retrouvé emprisonné en Birmanie. Grâce à son témoignage, la lumière et l’espoir ont jailli dans les ténèbres du désespoir de l’une des plus horribles prisons de la planète.

Depuis sa libération, Yun est le porte-parole de plus de 70 millions de chrétiens regroupés dans les églises de maison en Chine. Refusant la tutelle d’un gouvernement athée sur l’Eglise de Jésus-Christ, ces frères et soeurs endurent une persécution terrible. Pourtant, dans le cadre du mouvement « Retour à Jérusalem », ils se préparent à envoyer 100.000 missionnaires hors de leurs frontières, pour évangéliser les pays situés à l’Ouest de la Chine.

Ce récit palpitant se lit comme un nouveau chapitre des Actes des Apôtres. Il nous prépare à affronter des temps plus difficiles, et nous encourage à placer notre confiance en Dieu seul.

En voici un extrait :

Chapitre 13 : Le jeûne commence.

Le véhicule de la police secrète s’arrête devant la porte de la prison. Un policier pousse Yun d’un coup de pied hors du fourgon. Pieds nus, maltraité et brutalisé, il est vraiment dans un état pitoyable. Ce jeune homme mince et de petite taille est poussé dans la salle d’interrogatoire, où l’attendent déjà une douzaine de policiers.

« Ainsi, voilà celui qui se nomme lui-même « le citoyen du ciel » ! Pas mal, vraiment pas mal ! Maintenant, ton destin est entre nos mains. Tu ne recouvreras pas ta liberté avant d’avoir été sévèrement puni. Il faudra auparavant que tu réalises que tu t’es trompé. D’ailleurs, tous tes collaborateurs sont entre nos mains. » L’officier en nomme alors quelques-uns et reprend : « Tu as perdu. Ta religion illégale est détruite, elle agonise. Et toi, tu n’échapperas pas à ta punition. Tu es pour toujours l’ennemi du parti et du peuple ! »

Yun sent l’indignation monter en lui, et pourtant il garde le silence. L’Esprit de Dieu le console avec les paroles suivantes : « C’est par le moyen de la souffrance que l’Evangile est répandu sur toute la terre. La vérité a déjà touché des millions de coeurs. La vérité restera toujours la vérité. »

Maintenant, c’est un spécialiste des interrogatoires qui s’avance vers lui, l’air menaçant : « Est-ce que tu en as eu assez comme ça, ou bien devons-nous poursuivre ce traitement ? Tes crimes sont innombrables et très graves. Le parti est toujours ouvert et bienveillant pour quiconque avoue ses erreurs. Mais il est sans pitié envers ceux qui s’obstinent dans leurs égarements. » Puis, il poursuit en promettant à Yun une complète liberté, à la seule condition qu’il dénonce la structure et les activités des églises de maison. Enfin, il conclut en ces termes : « Si tu coopères avec nous, je te garantis que tu seras de retour à la maison, avec ta famille, avant le début des Fêtes du Printemps ! »

Alors que Yun écoute le discours de cet homme, il sait très bien ce qu’il aurait voulu lui répondre. L’évangéliste qu’il est aurait répliqué : « Vous me promettez la libération et la liberté, mais moi je vous annonce qu’un jour vous allez tous mourir ! Où irez-vous après votre mort ? Il vous faut accepter Jésus-Christ comme votre Sauveur… ! » Mais était-ce bien le moment de parler ainsi ?

Aussi, Yun répond en sollicitant un délai de réflexion. Il explique au responsable de l’interrogatoire qu’il a beaucoup souffert ces derniers jours, au cours des séances de torture. Il a reçu de nombreux coups, et il a dû endurer la faim et la soif, de sorte qu’il a besoin d’un temps de réflexion, de repos et de récupération. Le fonctionnaire reconnaît le bien-fondé de cette requête, et acquiesce à sa demande.

Yun est donc conduit dans une cellule de cette prison. Là, il comprend que Dieu lui permet d’être emprisonné, afin que soit approfondie sa relation personnelle avec Lui. Il se souvient que Jésus a jeûné pour être en mesure de surmonter les tentations de l’Adversaire. Plus il y réfléchit, et plus la conviction grandit en lui qu’il doit prendre une décision radicale. Plus tard, il expliquera son attitude de la façon suivante : « En fait, le Saint-Esprit et moi avons pris cette résolution ensemble. D’un commun accord, nous avons décidé de suivre l’exemple de Jésus qui a jeûné dans le désert pour surmonter les tentations.

C’est ainsi que débute pour Yun une longue période de jeûne et de prière. Dans la prière, il se concentre essentiellement sur les différents besoins auxquels il est confronté : l’urgence de répandre la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, la nécessité d’intercéder pour I’Eglise persécutée ainsi que pour les millions d’âmes qui ne connaissent pas Jésus et qui ont besoin d’être sauvées; et puis, bien sûr aussi, pour les frères et soeurs bien-aimés qui, comme lui, se trouvent présentement en prison.

Mais pour lui et à plusieurs égards, cette démarche est très difficile à entreprendre. Il y a d’abord la faim qui le tenaille, en raison de tous ces jours passés où il n’a rien reçu à manger. Ensuite, et pour ne rien faciliter, c’est le début des festivités du Printemps Chinois.

En effet, pendant ce temps de fêtes traditionnelles, le gouverneur de la prison fait preuve d’une certaine compassion à l’égard des prisonniers, en leur accordant une plus grande ration de nourriture que d’habitude. Bientôt, l’odeur de la viande de porc et celle du céleri se répand dans les couloirs jusqu’à l’intérieur des cellules ! C’est pour Yun une tentation presque irrésistible !

Son estomac gronde de faim, et il est tenté de manger. Une pensée traverse alors son esprit : « Cette fête ne se déroule qu’une fois par an. Tu devrais manger, ne serait-ce qu’un petit peu ! » De plus, il vient d’être torturé et harcelé, et il n’a rien mangé depuis plusieurs jours. Cela ne nuirait vraiment à personne s’il prenait un peu de nourriture…

Mais à l’opposé, une pensée bien plus forte s’impose à son esprit :
« Tu dois rester ferme, résister au diable, et il fuira loin de toi ! » Se remémorant la période de jeûne prolongé de Jésus dans le désert, il s’écrie soudain : « Au nom du Seigneur Jésus-Christ, tourments de la faim, quittez-moi ! »

Il se lève, et rend sa portion de pain et de soupe à l’homme désigné par les gardiens de la prison comme responsable de sa cellule. Il avise les autres détenus qu’il n’a pas faim, et leur propose de répartir sa pitance entre eux. Aussitôt qu’il a donné sa nourriture, les sensations douloureuses liées à la faim disparaissent.

Agissant ainsi, Yun gagne l’estime de ses codétenus. Un dicton populaire dit que « pour un prisonnier en Chine, le ventre est son dieu, et la nourriture son seigneur ». Ils veulent donc savoir pourquoi un homme aussi bon et aussi généreux que lui se retrouve en prison. Devisant avec eux, il leur explique que Dieu l’a choisi pour prêcher l’Evangile de Jésus-Christ.

Après ces premiers contacts, ils lui demandent de chanter des cantiques concernant Jésus. Il s’exécute, ce qui lui donne l’occasion de leur parler de Jésus et de la nécessité d’être sauvé. Ils réagissent favorablement à ses propos, même s’ils n’en saisissent pas toute la portée. Il leur recommande de distribuer sa ration de nourriture de façon équitable entre eux, parce qu’il ne peut pas manger. Mais il ne faut pas en informer les gardiens de la prison. Inutile de dire que les prisonniers accèdent à cette demande sans aucune peine !

Yun passe ses jours en prison à se remémorer des passages de l’ Ecriture. Il songe aux nombreux chrétiens qui ont souffert à cause de l’Evangile. Alors qu’il continue à s’abstenir de toute nourriture, son esprit est imprégné des paroles de Dieu. La joie et la paix inondent son âme, et chassent tous les sentiments de crainte et d’amertume. Il ne haïra plus jamais les bourreaux qui l’ont à ce point torturé et maltraité. Dans un certain sens, n’ont-ils pas accompli la volonté de Dieu ? N’est-ce pas le Seigneur qui l’a trouvé digne d’être ainsi éprouvé ?

Yun désire profondément ressembler à Jésus. Il ne veut plus répondre à ceux qui le battent et le méprisent. La vengeance n’appartient-elle pas à Dieu seul ? Alors, il utilise constamment la Parole de Dieu pour réfuter les attaques du diable. Et l’arme la plus puissante en sa possession est de répéter les paroles que Dieu a placées sur son coeur : « Garde le silence. Mets toute ta confiance dans le Seigneur. Ne crains rien. Crois seulement. Ne regarde pas aux circonstances. Ne regarde pas à toi-même. Confie-toi en Dieu uniquement. Continue de prier et tu verras la Gloire de Dieu. »

Quelle belle promesse en vue de la liberté à venir !

Chapitre 14 – Les portes de fer s’ouvriront.

Yun jeûne depuis quarante jours et quarante nuits en prison. A ce moment-là, Satan le tente en le questionnant de la façon suivante : « Essaies-tu de faire mieux que ton Maître ? Son jeûne à Lui n’a duré que quarante jours et quarante nuits. Pourquoi Dieu ne vient-Il pas à ton secours ? Tu vas mourir, c’est certain ! Et que deviendront alors ta famille, ta mère et ton épouse ? »

Cette attaque constante de l’Adversaire est aggravée par le sentiment d’être environné de ténèbres. Les questions se bousculent dans sa tête, et il est taraudé par la crainte. Est-ce son orgueil qui le pousse à jeûner ?

Ne sachant pas comment réagir face à une telle pression, Yun envisage de s’ôter la vie. Au fond de lui-même, néanmoins, il sait qu’un tel acte est un grand péché aux yeux de Dieu. Et c’est ainsi qu’il continue à combattre et à résister à ces pensées qui l’obnubilent, jusqu’au moment où la parole de Dieu commence à le réconforter.

Plein de foi, il s’écrie : « Ne te réjouis pas trop vite, Satan ! Même si je suis assis dans les ténèbres, le Seigneur est ma lumière. Il me fera sortir de là, et Il me conduira à nouveau vers la lumière. Je verrai Sa justice. »

Mais la bataille se poursuit. Des périodes de joie et de paix alternent avec des moments de désespoir, de douleur et de crainte. C’est au-delà de ce que Yun peut endurer. C’est alors qu’il se demande si la paix de Dieu, qui l’a habité et protégé pendant tant d’années, va maintenant l’abandonner. Après une longue nuit de combat, il interroge Dieu en ces termes : « Seigneur, ai-je péché ? Que t’ai-je donc fait ? Pourquoi ne pardonnes-tu pas mes péchés ? » Puis, dans son désespoir extrême, il crie à Jésus : « Reçois mon esprit ! »

Alors, Dieu s’adresse de nouveau à lui. Il entend distinctement le Seigneur lui dire : « Mon fils ! Je connais tes oeuvres. Je sais combien tes forces sont limitées. Tu as gardé ma Parole, et tu n’as pas renié mon Nom. » En entendant ces paroles, Yun se met à pleurer de joie. Il se sent comme un enfant qu’on avait terriblement maltraité, mais qui est maintenant pris en charge et soigné par son Père céleste. L’amour véritable de Dieu l’environne. Un texte biblique – qui va bientôt se révéler être une parole prophétique – lui est donné :

8 Je connais tes oeuvres. Voici, parce que tu as peu de puissance, et que tu as gardé ma parole, et que tu n’as pas renié mon nom, j’ai mis devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer.

Le Seigneur accompagne ses paroles par une vision impressionnante. Le citoyen céleste voit plusieurs portes de fer s’ouvrir l’une après l’autres devant lui. Il aperçoit alors une foule innombrable d’hommes et de femmes de différentes nationalités, composée de personnes jeunes et plus âgées, en train d’adorer Dieu. Puis, le Saint-Esprit lui rappelle les visions qu’il a reçues auparavant dans sa vie, en rapport avec sa vocation d’évangéliste.
Néanmoins, la tourmente souffle à nouveau, et il est enveloppé par le doute et la dépression. Il n’entrevoit plus aucune possibilité de prêcher l’Evangile et d’accomplir son ministère. Désespéré, il répond à Dieu en ces termes : « Même si tu ouvres les portes de la prison, je n’aurai plu la force d’en sortir… »

Alors, le Seigneur vient à lui : « Mon appel est irrévocable », lui rappelle-t-Il. « Tous ceux qui saisissent mes paroles avec foi peuvent accomplir les choses que j’ai faites. Oui, ils en effectueront même de plus grandes ! » A ce moment-là, tous ses tourments et toutes les blessures intérieures disparaissent. La lumière, la force et la joie inondent le coeur de Yun. Dans une autre vision, il voit comment lui-même ainsi que d’autres chrétiens surmontent toutes les difficultés et tous les obstacles placés devant eux.

En prison, on se met à parler de plus en plus de cet individu, qui ne se nourrit pas et qui pourtant est toujours en vie. Les prisonniers font des paris entre eux, pour évaluer son temps de survie. Un codétenu, dont la tâche est de porter Yun en salle d’interrogatoire et de l’en ramener, est saisi de pitié pour lui, lorsqu’il aperçoit les plaies de son corps à ce point amaigri.

Constatant à quel point Yun souffre en prison, les autres prisonniers se mettent à s’intéresser à lui. Finalement, ils demandent : « Mais quelle est donc la cause que cet homme défend au prix de sa vie ? » A l’extérieur de la prison, les chrétiens ont appris à quel point Yun souffre, ils savent qu’il fait confiance à Dieu sans crainte et sans compromis. Beaucoup de croyants se réunissent dans les églises de maison, prient et jeûnent nuit et jour pour lui. Et pendant tout ce temps, les églises ne cessent de croître. Des prodiges et des miracles accompagnent constamment la prédication de la Parole de Dieu. Des milliers de nouveaux chrétiens s’ajoutent au Corps de Christ.

Frère Yun et Paul Hattaway. Le citoyen du ciel. L’homme le plus recherché de Chine. Éditions des Béatitudes, 24 août 2023. 328 pages.

A propos de Frère Yun

Frère Yun

Frère Yun est l’un des responsables de l’Eglise chinoise, un homme qui, malgré son jeune âge, a souffert des tortures prolongées et a été emprisonné pour sa foi. Il a continué à prier Dieu au travers des épreuves et des procès, et son témoignage, sa passion sont pour la plupart des chrétiens à travers le monde un vrai stimulant spirituel.

Le Seigneur s’est révélé de façon improbable à Frère Yun alors qu’il était un jeune paysan de 16 ans, né en 1958 dans la province chinoise d’Henan, qui vivait au fin fond de la campagne chinoise. Son père gravement malade est entouré de sa femme et de son fils, qui vont prononcer le nom de Jésus, suppliant une intervention du ciel. Yun n’a jamais entendu parler de Jésus. Il obéit. Le lendemain, son père se réveille et se lève. Frère Yun devint chrétien et désire ardemment en savoir plus sur ce Jésus. Son cheminement fulgurant à la suite de Jésus a été accompagné de miracles dignes du livre des Actes, ainsi que de fortes persécutions : emprisonnements, tortures… Aujourd’hui pasteur évangélique exilé en Allemagne, Frère Yun nous livre son témoignage. Loin de s’appesantir sur les souffrances endurées, il nous parle de la beauté de la personne de Jésus. Un récit qui marque profondément notre âme et nous invite à la prière et à la louange tout au long de ses pages.


Comment les chrétiens chinois perçoivent le christianisme occidental

Pour des raisons de sécurité, il nous a été demandé de garder confidentielles les sources de cet article.

Par un auteur anonyme

Interviewer : Pourrions-nous maintenant aborder une autre question importante : comment les chrétiens chinois évaluent-ils la chrétienté de l’Occident ?

Un responsable d’une église de maison chinoise : Nous pensons que l’Église occidentale est en train de s’amuser. Nous sommes troublés par la frivolité de certaines de leurs réunions. Chez nous, ceux qui participent à nos rassemblements sont brisés et contrits et ils versent beaucoup de larmes pendant que les chrétiens occidentaux racontent des blagues. Cela a pour effet des résultats très différents. Nous pensons que l’Église occidentale est ligotée par les traditions et les programmes et qu’elle ne peut pas suivre les multiples directions du Saint-Esprit. Nous devons nous assurer d’avoir cette ligne directe avec le Saint-Esprit et nous mettre sérieusement à l’écoute de sa voix. Les chrétiens occidentaux ont été capables d’éliminer Christ et sa présence directe en leur sein. J’ai l’impression que toute la chrétienté occidentale va mettre un certain temps avant de se rendre compte que Jésus n’est plus avec elle depuis longtemps. Il est parti ailleurs. Il n’est plus du tout avec elle.

Interviewer : Que croit l’Église de Chine au sujet du Saint-Esprit ? Il est évident que vous êtes un peuple puissant. Comment voyez-vous cela par rapport à votre théologie sur le Saint-Esprit ?

Responsable chinois : Nous croyons que c’est un commandement de Dieu que chaque croyant soit baptisé dans le Saint-Esprit. Nous croyons également que nous devons être remplis de l’Esprit de façon permanente alors que nous poursuivons notre vie avec le Seigneur Jésus. C’est pour cette raison que nous partageons des choses extraordinaires dans nos réunions.

Interviewer : Que pensent les Chinois au sujet de la sanctification ? C’est un domaine où il y a beaucoup de confusion en Occident. L’Église est plutôt mondaine.

Responsable chinois : Nous sommes des chrétiens conservateurs. Nous alignons nos vies sur la Parole de Dieu. Plusieurs parmi nous n’ont pas de bible. Ils ne sont pas de ceux qui ont beaucoup étudié pour voir ce que Dieu dit sur la façon de vivre une vraie vie chrétienne. Nos épouses également sont humbles dans leur vie  spirituelle, et modestes dans leur façon de s’habiller. Ce domaine de la sanctification est un vrai problème pour nous lorsque nous essayons de nous en référer aux chrétiens occidentaux.

Interviewer : Certains témoignages de guérison sont époustouflants. Les bras m’en tombent lorsque je les entends. Pouvez-vous développer un peu ce sujet ? Quelle est votre théologie de la guérison ?

Responsable chinois : Tout d’abord, laissez-moi vous répondre que la théologie n’est qu’une petite partie de la question. Nous avons une théologie de la guérison qui est simple. Nous croyons que Dieu guérit. C’est tout simplement une des multiples facettes de son caractère saint. En Occident, vous croyez que Dieu peut guérir. En Chine, nous croyons qu’Il le fait tout le temps. Cela dépend de votre foi et de la nôtre. Vous recevez ce que vous croyez. Les gens ici sont pauvres et n’ont pas les moyens de consulter un médecin. C’est pour cela qu’ils croient en Dieu pour leur guérison bien plus que les chrétiens occidentaux ne le font. Des guérisons se produisent tout le temps, mais il y a aussi des personnes qui continuent à lutter avec la maladie. La pauvreté et la persécution ont aussi leurs dures conséquences ; parfois, Dieu guérit, parfois non. Dieu est souverain.

Interviewer : Pouvez-vous expliquer aussi les autres miracles dont on entend parler ? Nous ne pouvons pas témoigner d’autant de choses surnaturelles en Occident. Comment la Chine voit-elle tout cela ?

Responsable chinois : Nous croyons en un Dieu de miracles. Cela n’a rien à voir avec une distraction comme c’est le cas en Occident. Quand des miracles se produisent au cours d’une réunion, le prédicateur continue de prêcher l’Évangile. Nous nous attendons tout simplement à ce que Dieu confirme sa Parole par des miracles. 80 % d’entre nous ont expérimenté un miracle d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi nous nous y attendons tout le temps. Nous ne glorifions jamais le miracle, nous glorifions Dieu. Le don des miracles se trouve dans la Bible, et Dieu agit par ce don pour rendre gloire à son nom.

Interviewer : Avez-vous déjà entendu dire que quelqu’un ait été ressuscité ?

Responsable chinois : Oh, oui ! Cela se produit souvent ! Lorsque quelqu’un est tué – ou finit par mourir à cause de la persécution -, les responsables viennent là où se trouve le corps et ils prient pour savoir si Dieu veut que cette personne vive à nouveau.

Interviewer : J’ai souvent dit dans mes sermons : « Quand la persécution vient, la vraie unité vient avec elle parce qu’il n’y a plus de compromis avec le monde. » Qu’en pensez-vous ? Que pensez-vous de l’unité ? Ici en Occident, il y a toute cette confusion oeucuménique…

Responsable chinois : Encore une fois, notre théologie est très simple. Notre unité est basée sur les racines de la foi et sur les véritables attributs du disciple. Nous disons : « Les disciples témoignent et ils sont persécutés à cause de leur témoignage. » Et c’est bien là que se fait notre unité. Il y a des différences parmi nous, mais nous ne laissons pas ces différences nous diviser dans notre guerre pour sauver des âmes. Nous croyons qu’il y a davantage de choses qui nous unissent que de choses qui nous séparent.

Interviewer : Pouvez-vous faire un commentaire au sujet des églises de maison ? Que signifie cette expression ?

Responsable chinois : Cela signifie différentes choses. Premièrement, ce qualificatif est employé parce que nous nous réunissons dans des maisons. Il y a plusieurs raisons à cela et je vais en parler un peu plus loin. La seconde raison s’apparente au fait que nous faisons une distinction entre nous et les églises enregistrées qui ont des bâtiments où se rassemblent des chrétiens. La dernière raison est la plus importante. Nous nous appelons églises de maisons par conviction. Nous nous rassemblons dans des maisons parce que nous croyons que c’est biblique. C’est aussi vrai que nous devons faire ainsi à cause de la persécution, mais c’est surtout parce c’est purement évangélique. Même si le gouvernement nous permettait de nous réunir librement, nous continuerions à nous réunir dans des maisons. C’est là un des grands secrets de notre incroyable croissance. Plus il y a de lieux de réunions, plus nous pouvons amener des perdus à Christ. De plus, lorsque nous nous rencontrons dans des maisons, cela ne nous coûte rien. Le problème des finances ralentit souvent la croissance de l’Église.

Interviewer : Pouvez-vous me dire à quoi ressemblent vos réunions lorsque vous vous assemblez librement ?

Responsable chinois : Les chrétiens chinois sont pleins d’entrain et se sentent tous responsables quand nous nous réunissons en toute liberté. Nous chantons des hymnes et des choeurs et nous chantons vraiment de tout notre coeur. Pendant la prédication et les témoignages, il y a beaucoup d’amen et d’alléluia. Nous nous réunissons dans la forêt ou dans des grottes pour cela. Comme cela, personne ne nous entend.

Interviewer : Cela fait plusieurs décennies que dure ce réveil ! Pouvez-vous me dire pourquoi il ne s’amenuise pas ou ne s’arrête pas carrément ?

Responsable chinois : Il y a deux raisons à cela. Premièrement, l’Église s’active sans cesse à accomplir les desseins de Dieu concernant le réveil sur la terre. Ce but de Dieu, c’est l’évangélisation. Du moment que le peuple de Dieu fait ce travail, Dieu continue à envoyer son Esprit sur lui. C’est le secret de la pérennité du réveil. Et l’Église de Chine a une puissante vision de sa grande mission. 

Nous croyons que la responsabilité de l’Église est de prêcher l’Évangile à notre génération. La seconde raison découle de la première. A cause de notre persévérance à prêcher l’Évangile, nous sommes constamment persécutés. Cette persécution nous purifie et nous apporte encore plus d’onction. Ces deux aspects des choses entraînent une atmosphère de réveil. En tant que responsables, nous donnons toujours toute la place au Saint-Esprit pour diriger le travail. Nous Lui donnons carte blanche pour qu’Il agisse où Il veut et quand Il veut. Nous constatons que l’Église d’Amérique est beaucoup trop organisée.

Interviewer : Pouvez-vous apporter un commentaire sur l’eschatologie des églises de maison ? Quelle est leur théologie au sujet de la fin des temps ?

Responsable chinois : Elle est très simple. Nous croyons que Jésus va revenir. Il vient pour son épouse qui s’est préparée. En ce qui concerne les détails de sa venue, comment cela va se passer, nous sommes parfois en désaccord. Mais ces différences de point de vue ne nous divisent pas. Le point fort de notre théologie est l’évangélisation. Nous croyons que l’Évangile doit être prêché à toutes les nations, alors viendra la fin. Nous nous basons sur Matthieu 24:14 : « Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin. » C’est à cause de cette croyance que nous avons de fortes convictions pour l’évangélisation. Nous pensons que si nous ne témoignons pas activement autour de nous, nous empêchons la seconde venue de Christ et nous devons nous en repentir.

Interviewer : L’Église de Chine croît à une vitesse impressionnante et elle est toujours cachée. Il doit être difficile de donner une formation à vos responsables. Dans notre monde occidental, beaucoup de personnes peuvent penser que vous ne pouvez pas diriger une église si vous n’avez pas reçu une formation au préalable. Apparemment, il n’existe pas de formation en Chine et pourtant l’Église est puissante. Comment cela se fait-il ? Pouvez-vous nous dire quelle préparation reçoivent vos responsables ?

Responsable chinois : La plupart des grands responsables sont très pauvres. Leur principal trait de caractère, c’est l’amour. Ils se donnent sans compter dans leur travail pour les brebis persécutées de Chine et se soumettent volontairement à l’éventuel danger d’emprisonnement. Un seul geste de travers et c’est la prison pour cinq ou dix ans. Cet amour qui les caractérise, plusieurs, en Occident, ne l’ont jamais connu. Oui, nous formons nos responsables. Leur formation, cependant, est très simple. Nous les formons dans trois domaines distincts. Je vais essayer de les résumer rapidement : nous leur apprenons comment échapper à la police lorsqu’ils sont interpellés, et comment échapper à l’emprisonnement lorsque Dieu leur dit : « Cours ! » La Parole de Dieu est très importante pour ces responsables. Ils ont mémorisé et intériorisé plusieurs chapitres de la Bible. Ils ne peuvent pas avoir de bible dans leurs mains mais ils peuvent en transporter une dans leur cœur. Le feu du Saint-Esprit est également très important dans leurs ministères. Ces hommes sont constamment fortifiés par l’Esprit, c’est pourquoi l’Église de Chine s’est mise à croître si rapidement.

Note des éditeurs

Lorsque le communisme a fermé les portes de la Chine, le nombre des croyants s’élevait à un million. Maintenant, c’est-à-dire cinquante ans plus tard, quatre-vingt millions de disciples de Jésus-Christ construisent l’Église de Chine et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.

Source : Interview d’un responsable d’une église de maison en Chine, mars 2006.


Jésus à Pékin

Par David AIKMAN

David AIKMAN. Jesus in Beijing

Jésus arrive à Pékin.

LES DIX-HUIT TOURISTES AMÉRICAINS en visite en Chine n’attendaient pas grand-chose de la conférence prévue pour la soirée. Ils étaient déjà épuisés par une journée de visite à Pékin. Mais les propos de l’orateur les ont étonnés. « L’une des choses qu’on nous a demandé d’étudier, c’est ce qui explique le succès, en fait, la prééminence de l’Occident dans le monde entier », a-t-il déclaré.

« Nous avons étudié tout ce que nous pouvions d’un point de vue historique, politique, économique et culturel. Au début, nous pensions que c’était parce que vous aviez des armes plus puissantes que les nôtres. Ensuite, nous pensions que c’était parce que vous aviez le meilleur système politique. Ensuite, nous nous sommes concentrés sur votre système économique. Mais au cours des vingt dernières années, nous avons réalisé que le cœur de votre culture était votre religion : le christianisme. C’est la raison pour laquelle l’Occident a été si puissant. Le fondement moral chrétien de la vie sociale et culturelle a rendu possible l’émergence du capitalisme et la transition réussie vers une politique démocratique. Nous n’avons aucun doute à ce sujet. »

Il ne s’agissait pas d’un ultra-conservateur d’un groupe de réflexion du comté d’Orange, en Californie, ou de l’université Liberty de Jerry Falwell, à Lynchburg, en Virginie. Il s’agissait d’un chercheur du principal institut de recherche universitaire de Chine, l’Académie chinoise des sciences sociales (CASS) à Pékin, qui a fait cette déclaration en 2002. Bien que l’Académie chinoise des sciences sociales ait eu la réputation, depuis sa création, de repousser doucement les limites des domaines de recherche acceptables en Chine, elle n’est pas un nid de vipères de la dissidence libérale. Nous appellerons le conférencier le Dr Wu, un universitaire urbain d’une trentaine d’années qui parlait un excellent anglais, était spécialisé dans l’étude de la religion et connaissait très bien non seulement la Chine, mais aussi l’histoire de l’Occident en général et des États-Unis en particulier. Pendant sa présentation aux visiteurs américains, il les a laissés prendre des notes et même enregistrer sa voix, mais il ne voulait pas être filmé ni identifié par son nom. Ces Américains ne font pas partie des 12 millions de touristes étrangers qui affluent chaque année en Chine. Bien qu’ils se soient arrêtés à la Grande Muraille, au Palais d’été et dans un grand restaurant de canards lapons au cours de leur excursion de huit jours, leur voyage s’intitulait « A Christian Heritage Tour of China » (visite de l’héritage chrétien de la Chine). Le groupe était composé de douze professionnels de la classe moyenne – la plupart d’entre eux étant des responsables d’églises chrétiens – presque tous originaires de Californie ou du Texas, et de six de leurs épouses, et ils étaient en Chine pour voir ce qui restait encore de l’héritage chrétien historique en Chine.

Bien que les autorités touristiques chinoises aient été assez heureuses de satisfaire le goût pittoresque de ces Américains pour l’archéologie ecclésiastique, les touristes s’attendaient plus probablement à entendre le vieux dogme communiste officiel selon lequel la religion est l’opium du peuple et les missionnaires sont des outils de l’impérialisme occidental, et non cette appréciation enthousiaste du christianisme venant d’un membre de l’élite académique de la Chine. Le christianisme avait-il pénétré bien plus profondément dans la culture et la société chinoises que la plupart des gens, à l’intérieur ou à l’extérieur de la Chine, ne le pensaient jusqu’à présent ? Ma propre réponse est certainement oui, comme le montre ce livre, sur la base de plusieurs décennies d’intérêt pour le sujet et sur la base d’un reportage approfondi en Chine au cours de l’été et de l’automne 2002. De nouveaux reportages réalisés pour cette édition, y compris un voyage de reportage supplémentaire en Chine en juillet 2004, ont permis d’étayer cette conclusion.

Combien y a-t-il de chrétiens en Chine ?

La seule organisation protestante chinoise autorisée par le parti communiste à œuvrer ouvertement est le Conseil chrétien de Chine (CCC), qui regroupe en quelque sorte les églises protestantes approuvées par le gouvernement. Son homologue catholique, l’Association patriotique catholique (APC), est la seule entité catholique officielle autorisée à œuvrer. Le CCC a été créé au début des années 1980 pour permettre à la hiérarchie des églises chrétiennes protestantes de Chine de prendre un peu de distance par rapport à l’organisation gouvernementale mise en place par le parti communiste dans les années 1950 dans le but de prendre le contrôle du protestantisme chinois. Il s’agissait du Mouvement patriotique des trois autonomies (MPTA), une entité administrative chargée de veiller à ce que toutes les activités des églises protestantes officiellement approuvées en Chine soient conformes aux objectifs politiques et sociaux de Pékin. Comme nous le verrons, les relations entre le CCC et les Trois autonomies se sont chevauchées dès le début. Le CCC affirme régulièrement que ses églises comptent quelque 15 millions de croyants baptisés dans toute la Chine. L’APC affirme que ses églises ont enregistré 6 millions de catholiques baptisés.

Mais ces chiffres ne sont pas considérés comme crédibles, même par le Bureau de la sécurité publique, la police officielle, qui a indiqué en privé, ces dernières années, qu’il y avait au moins 25 millions de chrétiens en Chine. Les Chinois de l’intérieur et les observateurs de passage pensent généralement que le nombre de chrétiens qui fréquentent des églises non approuvées par le gouvernement – des églises non officielles, dites « de maison » – peut être trois ou quatre fois supérieur à celui des chrétiens qui fréquentent les diverses églises approuvées par le gouvernement chinois. En effet, le nombre de croyants chrétiens en Chine, tant catholiques que protestants, pourrait être plus proche de 80 millions [1] que du chiffre officiel de 21 millions de catholiques et de protestants. Un pasteur des Trois autonomies a estimé en privé que les chrétiens protestants représentaient un dixième de la population, et des visiteurs américains ont également été informés par certains fonctionnaires (mais pas par ceux des Trois autonomies ni d’autres organisations religieuses) que ce nombre pourrait dépasser les cent millions. Mais en réalité, personne n’est sûr de rien. Tout ce que nous savons, c’est que le christianisme s’est développé à une vitesse stupéfiante depuis 1979, date à laquelle la Chine a commencé à assouplir les restrictions sévères imposées aux activités religieuses dans les années 1960, pendant la révolution culturelle.

Des chrétiens partout

Dans les années 1980, il était déjà clair que des chrétiens commençaient à apparaître, bien qu’ils ne soient presque jamais identifiés comme tels, au sein du parti communiste chinois. Mais au cours des années 1990, il est devenu évident que quelque chose d’autre était en train de se produire. J’ai commencé à rencontrer des intellectuels, des universitaires, des chercheurs en sciences sociales, des hommes d’affaires, des artistes et des musiciens, certains membres du parti, la plupart non, qui étaient indubitablement des croyants chrétiens et qui le reconnaissaient en privé. J’ai également commencé à rencontrer un nombre croissant de visiteurs en Chine, certains d’entre eux d’origine chinoise, d’autres occidentaux, qui avaient des histoires extraordinaires à raconter sur leurs visites à des contacts chrétiens à travers le pays. Je n’étais pas préparé à l’ampleur de ce que j’ai appris. En 2000, plusieurs responsables de la communauté de Fangcheng, l’un des plus grands réseaux d’églises de maison de Chine, se sont rendus à Guangzhou pour me rencontrer et m’informer de leur point de vue sur la situation actuelle du christianisme en Chine. Il m’était alors apparu clairement que les progrès du christianisme en Chine n’avaient pas leur place dans le bulletin annuel d’un groupe missionnaire d’une église de la Bible Belt américaine.

Depuis la base paysanne jusqu’aux plus hautes sphères de l’établissement chinois, le pays était ensemencé de chrétiens croyants. En termes numériques, il s’agit encore d’une petite minorité, peut-être 7 à 8 % des 1,2 milliard d’habitants du pays. Mais on les remarquait et ils apparaissaient dans les endroits les plus inattendus.

Des fonctionnaires de consulats

J’ai appris, par exemple, qu’au moins trois des six consulats chinois aux États-Unis comptaient des chrétiens parmi leurs agents. L’ambassade à Tokyo en compte au moins un. Il est très probable que des chrétiens se trouvent parmi les fonctionnaires des ambassades chinoises dans toute l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine. J’ai découvert que des gouverneurs provinciaux adjoints, des juges et des avocats en Chine étaient chrétiens et que des experts juridiques travaillaient dur dans les coulisses pour tenter de mettre en œuvre des lois sur la liberté religieuse et le concept plus large de l’État de droit – non seulement pour que les chrétiens puissent pratiquer leur culte sans être harcelés, mais aussi pour les adeptes de toutes les confessions.

Entrepreneurs

On trouve des entrepreneurs chrétiens à tous les niveaux de la société chinoise, y compris parmi les hommes les plus riches du pays. Zhang Jian, 42 ans, est le cofondateur avec son frère des climatiseurs Broad, et tous deux ont été les premiers Chinois à posséder leur propre avion. Zhang est devenu chrétien en janvier 2001 et est impatient d’entrer en contact avec d’autres hommes d’affaires chrétiens dans tout le pays. Il n’est pas le seul. Des groupes de PDG chrétiens se réunissent aujourd’hui dans des villes comme Pékin et Shanghai pour discuter du rôle qu’ils pourraient jouer en donnant l’exemple d’une éthique commerciale rigoureuse en Chine.

Acteurs, chanteurs et autres

Il y a des acteurs, des chanteurs et des chefs d’orchestre chrétiens en Chine, et ils ont pu reconnaître leur foi avec beaucoup plus d’ouverture que ceux qui exercent d’autres professions. Pour la deuxième année consécutive, en décembre 2002, la salle de concert de la Cité interdite de Pékin a résonné des solos et des chœurs du Messie de Haendel, interprétés en chinois par le chœur de l’Orchestre symphonique national et de l’Orchestre symphonique du cinéma chinois, sous la direction de Su Wenxing, un chrétien chinois qui professe ouvertement sa foi. Ce qui est peut-être encore plus remarquable que la représentation elle-même, c’est le compte rendu que le journal officiel de langue anglaise, le China Daily, a fait de l’événement et de Su lui-même. « De nombreux grands compositeurs tels que Bach et Haendel étaient des chrétiens loyaux », a déclaré Su, qui porte également le nom de Timothy.

« Depuis que je suis devenu chrétien [en 1996], j’ai une nouvelle compréhension de ces compositeurs et je les interprète beaucoup mieux. »

Le journal, notant le jeune âge de Su (30 ans), cite un chef d’orchestre chinois renommé qui décrit Su comme « l’un des meilleurs chefs d’orchestre du pays pour l’oratorio et les chants religieux. »

Depuis 2002, cependant, Su n’a plus le droit de diriger des concerts en Chine. Il y a des chrétiens dans le journalisme, tant au niveau national que local, mais il leur est plus difficile d’indiquer leurs croyances à leurs collègues et aux personnes extérieures car, dans un régime autoritaire, le journalisme est toujours considéré avant tout comme un outil de propagande gouvernementale visant à contrôler et à influencer la pensée. Il existe des maisons de retraite, des orphelinats et des hôpitaux gérés par des chrétiens, ainsi que des écoles privées chrétiennes dans toute la Chine.

Le Parti communiste et l’armée populaire de libération

De nombreux chrétiens chinois m’ont dit qu’il y avait des officiers et des soldats chrétiens dans l’Armée populaire de libération. Je n’ai pas pu en rencontrer personnellement et, pour des raisons évidentes, je ne révélerais pas leur identité si je le faisais. Les autorités chinoises ont reconnu à plusieurs reprises qu’il y avait des chrétiens au sein du Parti communiste, bien que nous ne sachions pas à quel niveau ils se situent, pas plus que nous ne savons à quel niveau se situent les chrétiens dans l’appareil gouvernemental chinois. J’en ai certainement rencontré quelques-uns. Ce que nous savons, c’est que plusieurs fils et filles de dirigeants chinois actuels ou passés sont devenus chrétiens et ont été baptisés. Li Peng, ancien premier ministre dont le dernier poste avant sa retraite au printemps 2003 était celui de président du Congrès national du peuple, le corps législatif, a une fille qui a étudié au Japon et y a été baptisée chrétienne. Wang Guangmei, veuve de Liu Shaoqi, principale cible politique du dirigeant révolutionnaire Mao Zedong pendant la révolution culturelle, a trois filles, qui ont toutes été baptisées chrétiennes.

Les étudiants et les intellectuels

En fait, la moitié des 150 000 étudiants chinois qui, selon les statistiques officielles chinoises, ont étudié aux États-Unis depuis la fin des années 1970, ont fréquenté une église au moins une fois pendant leur séjour aux États-Unis, selon les organisations américaines qui s’occupent de l’évangélisation de la Chine. Bien entendu, nombre d’entre eux deviennent chrétiens et se font baptiser pendant leur séjour aux États-Unis. Zhang Boli, un ancien étudiant dissident qui figurait sur la liste de la police des vingt-et-un chefs de file étudiants les plus recherchés lors des manifestations pro-démocratiques de la place Tiananmen en 1989, est devenu chrétien alors qu’il était en fuite dans son propre pays, avant de s’échapper en 1991. Aujourd’hui pasteur de deux églises chinoises dans la région de Washington, il estime que 20 % des Chinois inscrits dans des universités hors de Chine sont peut-être devenus chrétiens.

Dissidents politiques

Zhang Boli note qu’il est l’un des deux ecclésiastiques chrétiens au moins parmi les vingt-et-un chefs de file de la contestation estudiantine les plus recherchés, tous deux aujourd’hui aux États-Unis. L’autre est Xiong Yan, qui faisait partie de l’équipe de la grève de la faim de Tiananmen et de l’un des représentants des étudiants qui ont rencontré, en vain, des dirigeants, dont le premier ministre de l’époque, Li Peng, pour tenter de désamorcer les tensions peu avant la répression du 4 juin 1989. Xiong est aujourd’hui aumônier dans l’armée américaine et a effectué une deuxième mission en Irak en mars 2005. Deux autres chefs de file des manifestations de Tiananmen sont également chrétiens. L’un d’eux, Wu’er Kaixi, vit actuellement à Taïwan avec son épouse taïwanaise. Wu’er, qui appartient à la minorité ethnique ouïgoure de la région du Xinjiang, dans l’extrême Ouest de la Chine, a été baptisé à Taïwan par Zhang Boli en 2002. L’autre est Han Dongfang, le fondateur du syndicat non officiel, la Fédération autonome des travailleurs de Pékin. Han est entré dans un poste de police en juillet 1989 pour protester contre son inscription sur les listes des personnes les plus recherchées, convaincu qu’il n’avait rien fait de mal pendant les manifestations estudiantines. Il a été rapidement arrêté et jeté dans une cellule du service des maladies infectieuses d’une prison, où il a contracté la tuberculose et a failli mourir en prison. Libéré et autorisé à se rendre aux États-Unis en 1992 pour des raisons médicales, il s’est converti dans une église chinoise à l’étranger, dans le New Jersey, en 1993. Il réside aujourd’hui à Hong Kong et diffuse en Chine des émissions sur les problèmes de main-d’œuvre chinoise pour le compte du gouvernement américain.

L’impact d’une Chine christianisée

Il est clair que le christianisme s’infiltre dans de multiples couches de la société chinoise. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Au cours des trois mois de reportage sur la situation du christianisme en Chine en 2002, j’ai été surpris de découvrir d’autres aspects de la croissance du christianisme qui sont d’une importance capitale pour la manière dont le monde réagit au terrorisme d’origine islamique dans le sillage des événements du 11 septembre 2001.

Il s’avère que la grande majorité des chrétiens des églises de maison protestantes de Chine sont profondément pro-américains et déterminés à évangéliser le monde musulman, ce que les Américains ont généralement hésité à faire avec beaucoup d’audace. Les chrétiens chinois croient – en fait, certains d’entre eux parlent d’un appel divin – que les croyants chrétiens de Chine doivent apporter l’Évangile aux nations musulmanes du monde. « Les musulmans préfèrent les Chinois aux Américains. Ils n’aiment pas beaucoup les Américains », a déclaré sans détour un chrétien chinois. Il a souligné plusieurs raisons pour lesquelles les chrétiens chinois peuvent réussir là où les Occidentaux ont échoué. L’un des principaux avantages est que le gouvernement chinois soutient les objectifs anti-américains de certains groupes politiques au Moyen-Orient, « de sorte que les nations musulmanes soutiennent la Chine ». Il a ajouté : « En outre, nous avons une grande expérience de la persécution. » Les chrétiens chinois ont appris par une dure expérience que, « où que nous allions, dès que nous arrivons, nous cherchons toujours le meilleur moyen de nous échapper ». Ce chrétien chinois a exprimé le point de vue selon lequel les croyants chinois joueraient un rôle majeur dans le retour des enseignements de Jésus au Moyen-Orient. « Nous pensons que les missionnaires chinois feront partie du courant dominant sur la route du retour à Jérusalem. La religion musulmane est le plus grand obstacle sur la route du retour à Jérusalem », a-t-il déclaré. Une Chine christianisée est prête à changer le visage non seulement de la chrétienté dans le monde entier, mais aussi, potentiellement, du monde islamique.

Un temps d’opportunité pour le christianisme

Croissance économique et « porte ouverte »

La Chine n’a jamais été aussi ouverte intellectuellement et philosophiquement au monde extérieur qu’elle ne l’est aujourd’hui. Deng Xiaoping, arrivé au pouvoir en 1978, a ouvert la Chine à la fois à ses propres énergies créatrices internes latentes et au monde extérieur avec sa fameuse politique de la « porte ouverte ». Pour libérer l’énergie considérable et les talents créatifs des entrepreneurs et des travailleurs chinois, le régime a pris la décision délibérée de desserrer de nombreuses contraintes qui pesaient sur la vie sociale et civile de la Chine depuis des décennies. Par exemple, jusqu’aux années 1980, chaque Chinois était à la merci de son unité de travail, le danwei, un système de contrôle qui déterminait le lieu de résidence, la description de l’emploi, et souvent même si le mariage était autorisé ou non. Au fur et à mesure que la demande de flexibilité dans le déploiement de la main-d’œuvre augmentait, le système danwei, bien que toujours en place dans une grande partie du pays, a commencé à s’effondrer. Comme la Chine en est venue à exiger une connaissance beaucoup plus approfondie du monde extérieur que ce qui était autorisé jusqu’alors afin d’être compétitive sur le marché mondial, il est devenu possible pour les Chinois ordinaires d’avoir des contacts avec des étrangers, puis de voyager à l’étranger et, plus récemment, d’avoir accès à des informations de source étrangère – y compris de nombreuses informations sur la Chine – par l’intermédiaire d’Internet. Bien que le Parti communiste chinois bloque des sites Internet clés, dans certains cas avec la coopération des propriétaires étrangers des moteurs de recherche Internet, les autorités chinoises ont globalement permis à leur population de jouir d’une liberté sans précédent en matière de recherche intellectuelle et d’activité sociale au niveau privé au cours de la majeure partie de la dernière décennie.

Un Chinois curieux dans la Chine d’aujourd’hui n’aurait aucune difficulté à trouver le nom du Premier ministre du Monténégro, le montant total du budget de la défense des États-Unis ou, d’ailleurs, les questions théologiques chrétiennes en jeu dans la querelle du quatrième siècle entre Arius et Athanase. Un Chinois intéressé par la religion peut fréquenter, sans crainte des conséquences, n’importe quelle église protestante ou catholique officiellement agréée, acheter des livres qui expliquent, même sous un jour favorable, la nature de la foi chrétienne, acheter une bible (mais seulement dans une église des Trois Autonomies ou de l’ACP, et non dans une librairie ordinaire) et interroger ouvertement un pasteur ou un prêtre sur les différences entre, par exemple, l’eschatologie dispensationaliste prémillénariste et celle de la tradition réformée protestante. Les capitaux étrangers, l’expertise technologique et les compétences en matière de gestion ont afflué dans le pays. De 1979 à la fin des années 1990, le PIB de la Chine a augmenté à un rythme annuel de 9,5 %, atteignant certaines années la zone de surchauffe de 14 %. La situation s’est quelque peu ralentie depuis, mais pas de beaucoup. Le taux de croissance annuel officiel pour 2005 était encore de 9,8 %. Cependant, la croissance effrénée de l’économie a entraîné de nombreux inconvénients, notamment l’effondrement de sociétés, la volatilité des marchés boursiers et l’élargissement dangereux des écarts de revenus entre les riches villes côtières et les provinces pauvres de l’intérieur du pays.

La migration de la population des campagnes vers les villes a conduit à une « population flottante » de millions de squatters illégaux à Pékin et dans d’autres grandes villes, et a fait baisser les salaires dans l’industrie dans de nombreuses régions du pays. Les conditions de travail dans de nombreuses usines urbaines chinoises pourraient bien être pires aujourd’hui qu’à n’importe quel moment de l’histoire communiste de la Chine. La corruption en Chine est largement reconnue et régulièrement déplorée au plus haut niveau de la direction politique. Pratiquement tous les chefs d’entreprise américains qui ont eu affaire à la Chine peuvent évoquer des cas personnels de corruption. Au-delà des arrestations et des exécutions très médiatisées, peu de choses sont faites pour résoudre les problèmes. « En Chine, vous pouvez faire tout ce que vous voulez si vous avez de l’argent. La seule chose que l’on ne peut pas faire, c’est ce que l’on n’arrive pas à imaginer », déclare un Chinois qui vit aux États-Unis, mais se rend dans son pays d’origine plusieurs fois par an. L’un de ses bons amis, juge principal dans une province intérieure, lui a dit que, pour 30 000 à 50 000 yuans (environ 3 750 à 6 250 dollars), même un condamné à mort pouvait acheter sa liberté. De plus, si la peine était commuée en quinze ans de prison, il n’aurait même pas à les purger. De nombreux Chinois, a déclaré le juge, purgeront la peine de prison à votre place si vous leur payez, par exemple, 30 dollars par mois. Le régime communiste chinois réprime encore impitoyablement toute manifestation explicite de protestation politique, comme les adeptes de la méditation Falungong l’ont découvert à leurs dépens en 1998-2001. Au niveau local, des fonctionnaires provinciaux sadiques peuvent également s’approprier la loi à des fins arbitraires, et ils le font.

Les chrétiens qui choisissent de se réunir sans autorisation officielle ou sans enregistrement de leur organisation peuvent être, et ont été jusqu’en 2006, arrêtés, battus et torturés sans scrupules par les fonctionnaires locaux du Bureau de la sécurité publique. Mais comparée à l’emprise du totalitarisme socialiste désolant qui a étouffé les sources créatives de la culture et de la vie intellectuelle de la Chine de la fin des années 1950 jusqu’à 1978 environ, la liberté civique d’aujourd’hui est un souffle enivrant de liberté intellectuelle. Ces facteurs – la croissance économique, l’accès croissant à l’information, les libertés civiques accrues et le besoin d’une conscience pour combattre les maux sociaux de la prospérité – se combinent pour créer une atmosphère propice à la croissance du christianisme en Chine, à la fois en tant que mouvement et en tant qu’idéologie.

Un vide idéologique à combler

Il est significatif que le christianisme émerge en Chine à un moment où un vide idéologique massif a été laissé dans la société par l’effondrement de la croyance dans le marxisme-léninisme à l’échelle nationale. La révolution culturelle catastrophique du président Mao a « guéri » presque tous les Chinois de toute croyance en la véracité de la théorie communiste. Il est difficile de trouver aujourd’hui en Chine quelqu’un qui croit vraiment à la vérité théorique de l’idéologie politique officielle de la Chine, appelée pudiquement « pensée marxiste-léniniste de Mao Zedong ». Le marxisme a été mis à l’épreuve dans sa forme extrême pendant les presque deux décennies de bricolage économique et social utopique de Mao Zedong (1958-1976) et s’est avéré irrémédiablement destructeur. Le Parti communiste est parvenu à se maintenir au pouvoir pendant plus d’une décennie et demie après les manifestations de la place Tiananmen en 1989, malgré les prédictions selon lesquelles il allait probablement disparaître rapidement, et ce pour deux raisons : l’inertie pure et simple et la crainte, chez la plupart des Chinois ordinaires, du luan, ou chaos, cette condition anarchique destructrice que de nombreux étrangers considéraient comme la condition naturelle de la Chine au cours des deux derniers siècles. Moins de quatre ans après la répression de 1989, en 1993, j’ai parlé à des intellectuels chinois dans plusieurs universités du pays. Le consensus était clair : la démocratie, oui, mais pas la semaine prochaine, s’il vous plaît. Ils ne voulaient pas d’un changement politique rapide en Chine. Lorsque Deng a lancé sa politique de « porte ouverte » en matière de réformes internes et d’accès aux capitaux et à l’expertise étrangers, les Chinois ont rapidement compris que, d’un point de vue économique, le capitalisme était en train de devenir le système de choix pour rendre la Chine forte. Le régime a appelé le nouveau système « socialisme avec des caractéristiques chinoises ».

Cette phrase occulte un point plus important : quelle conception de la vie en général les Chinois doivent-ils désormais adopter ? Le marxisme-léninisme lui-même était une lettre morte. Le confucianisme, le système éthique et moral que les dynasties régnantes et les citoyens ordinaires ont cherché à imiter pendant des millénaires, était certes admiré pour l’accent qu’il mettait sur la cohésion familiale et les responsabilités mutuelles, mais la plupart des Chinois le considéraient comme une philosophie encombrante, incapable d’apporter le changement social, la créativité capitaliste et la réussite entrepreneuriale nécessaires dans le monde nouvellement mondialisé de la concurrence économique. De nombreux Chinois s’interrogent : le capitalisme n’est-il qu’une façon de faire des affaires ou s’accompagne-t-il de fondements éthiques et philosophiques concrets ? De nombreux sociologues chinois notent que, dans la ville côtière de Wenzhou, dans la province du Zhejiang, au Sud de Shanghai, le christianisme a semblé, dans les années 1980, monter en flèche proportionnellement au succès des détaillants de Wenzhou pour faire de l’argent. En fait, il y a plus d’une décennie, certains Chinois, réfléchissant au capitalisme, au christianisme et à Wenzhou, établissaient un lien intellectuel entre la religion et l’essor du capitalisme, thèse centrale de R. H. Tawney dans son livre influent du même nom, Religion and the Rise of Capitalism.

Certains Chinois ont commencé à penser que le christianisme lui-même, qui avait été un ingrédient si puissant, bien que mal compris, de la prééminence mondiale de la civilisation occidentale, pourrait être une vision du monde, voire une métaphysique, qui pourrait guider la Chine dans son entrée dans le XXIe siècle. Peut-être même pourrait-il permettre aux Chinois de comprendre leur propre histoire avec plus de perspicacité que jamais.

Une nouvelle vision du monde pour les Chinois ?

Au début des années 1990, un nouveau type de Chinois est apparu dans les universités et les instituts de recherche chinois : les « chrétiens culturels ». Nombreux sont ceux qui rejettent cette appellation, comme nous le verrons plus loin, et qui préfèrent utiliser l’expression lourde de « chercheurs chinois intéressés par le christianisme ». Mais le phénomène était bien réel : des Chinois très instruits qui n’étaient pas convaincus que l’interprétation marxiste de la religion ou la conception darwinienne occidentale de la vie expliquaient de manière adéquate la condition humaine en général et la condition chinoise en particulier. Ces idées n’ont pas été discutées uniquement par des universitaires formés à l’Ouest ni par des yuppies de Shanghai. Au début de l’année 2002, Jiang Zemin, alors Président de la Chine et chef du Parti communiste, a assisté à un dîner dans la résidence privée d’une autre personnalité politique chinoise de haut rang, au cœur de Pékin. La conversation s’est orientée vers le seizième congrès du Parti, une rencontre capitale qui a lieu tous les cinq ans et qui était alors prévue pour la fin de l’automne 2002 (le congrès s’est tenu du 7 au 15 novembre 2002).

La compagnie était détendue, l’humeur exubérante. Un invité a demandé : « Camarade Jiang, si, avant de quitter vos fonctions, vous pouviez prendre un décret dont vous savez qu’il sera respecté en Chine, quel serait-il ? » Jiang Zemin affiche un large sourire et regarde autour de lui. « Je ferais du christianisme la religion officielle de la Chine », a-t-il répondu. Jiang Zemin, bien sûr, a officiellement cédé les rênes du pouvoir lors du seizième congrès du Parti à son successeur en tant que secrétaire général du parti, Hu Jintao, et même s’il voulait mettre en œuvre ce souhait, il n’est plus en mesure de le faire. Cependant, même s’il avait simplement plaisanté avec ses invités, son commentaire fantaisiste est révélateur.

En 1949, la nation la plus peuplée du monde a adopté la philosophie matérialiste d’un Allemand du XIXe siècle et d’un Russe du XXe siècle dans sa quête de richesse et de pouvoir après un siècle d’empiètements étrangers sur son gouvernement et sa culture. Cette philosophie s’est avérée être une faillite, et la Chine est presque consciemment en train de chercher quelque chose pour la remplacer. Le christianisme n’a pas encore été adopté comme solution de remplacement par le peuple chinois, mais il est aujourd’hui en très bonne position pour le faire.

Pendant des siècles, les étrangers, et en particulier les chrétiens étrangers, ont aspiré à ce que la Chine évolue dans une direction qu’ils considéraient comme souhaitable pour les Chinois et pour eux-mêmes. Souvent, leurs espoirs et leurs aspirations ont été illusoires ou tout simplement naïfs. Mais la Chine, qu’elle devienne chrétienne ou qu’elle prenne une autre direction, est en train de changer sous nos yeux. C’est la composante chrétienne de ce changement, et le potentiel remarquable qu’elle recèle, qui font l’objet de ce livre.

Source : AIKMAN, David. . Regnery Publishing. 27 mars 2012. 433 pages. Ce livre peut être acheté sur Amazon.


L’essor du christianisme calviniste dans la Chine urbanisée

Par Jie KANG

Au cours de la dernière décennie, le christianisme réformé, largement fondé sur la théologie du calvinisme, s’est largement répandu en Chine, notamment en attirant les « intellectuels » chinois qui constituent la plupart des responsables d’églises de maison dans les zones urbaines. (…)
Cette théologie réformée et ses développements ultérieurs ont été introduits en Chine de deux manières principales. La première est celle des Chinois d’outre-mer, en particulier par le biais des facultés théologiques de Singapour, de Malaisie et d’Indonésie. Par exemple, les prédications du célèbre pasteur réformé Stephen Tong (唐崇荣) ont été largement diffusées en ligne et parmi les chrétiens chinois. Deuxièmement, les missionnaires coréens ont créé des facultés de théologie, principalement dans les villes du Nord de la Chine. De ce fait, de plus en plus de responsables d’églises chinois sont devenus des défenseurs du calvinisme et ont converti leurs églises au statut réformé. (…)

L’urbanisation extensive de la Chine s’accompagne de la montée en puissance d’intellectuels chinois modernes qui aspirent à l’alphabétisation et à la modernité produites par la ville. Pour ces intellectuels chrétiens, la version chinoise du calvinisme, en pleine évolution, est beaucoup plus sophistiquée que d’autres formes de christianisme, généralement plus anciennes et rurales, qui dépendent moins de l’alphabétisation et de l’utilisation de textes clés. La théologie calviniste répond à leurs attentes en offrant une compréhension et une interprétation complètes de la doctrine, une abondante littérature sur la manière de pratiquer le christianisme dans la vie quotidienne, un système de croyances bien structuré et une méthode systématique, de type presbytérien, d’organisation et de gouvernement des églises. (…)

Il est vrai que les églises de maison urbaines sont généralement dirigées par des responsables d’église instruits, mais très peu d’entre eux peuvent être qualifiés d’intellectuels publics, c’est-à-dire qu’ils ne considèrent pas leur travail comme exigeant une perspective intellectuelle. Je modifierais l’observation de Fällman et affirmerais plutôt que le principal facteur de diffusion de la théologie calviniste est le réseau chrétien de base en Chine continentale, qui supplante l’influence des Chinois d’outre-mer ou des intellectuels publics politiquement très en vue. C’est précisément en raison de la faible visibilité que leur confère leur réseau discrètement dispersé, mais en pleine expansion que les églises de maison chrétiennes n’attirent normalement pas l’attention des médias ni du gouvernement, et qu’elles peuvent donc se développer discrètement et rapidement. Pour de nombreuses personnes qui émigrent ou passent leur vie dans des zones urbaines, les églises calvinistes représentent non seulement une famille de substitution semblable à une communauté, mais aussi un « système de vie » qui offre des réponses claires aux problèmes quotidiens liés au mariage, à l’éducation des enfants, au travail et à l’épanouissement personnel. Avant 1979, ces questions relevaient de la responsabilité des danwei (unités de travail) du Parti communiste ou des familles dans les villages. Aujourd’hui, il n’y a plus d’institutions urbaines qui s’occupent de ces problèmes. Permettez-moi maintenant de décrire plus en détail les activités et les influences du calvinisme chinois. (…)

Les adeptes de l’Église de maison n’ont pas fondé leur croyance sur un concept de vérité biblique
ou une connaissance de la théologie (对真理不清楚 dui zhenli bu qingchu). En fait, comme je l’ai indiqué ailleurs (Kang 2016), les églises de maison chinoises traditionnelles que j’ai observées précédemment avaient tendance à être « anti-intellectuelles » et à rejeter la théologie en faveur d’un leadership charismatique et de l’accomplissement de miracles. La première tâche du pasteur Liu était de changer cet aspect de l’Église Gospel Church. À partir de 2006, il a prononcé une série de sermons axés sur l’importance et la nécessité de la théologie. En conséquence, l’ensemble de l’église a changé. Les jeunes croyants, en particulier, ne se reconnaissaient pas dans les croyances chrétiennes traditionnelles chinoises et ont donc pleinement soutenu le pasteur Liu, tout en étant désireux d’étudier eux-mêmes la théologie. (…)

Lorsque j’ai demandé au pasteur Liu la raison de la popularité de la théologie calviniste en Chine, il m’a répondu que c’est parce que « le calvinisme est basé sur la Bible et s’est transformé en un système de croyance total qui inclut la raison, la responsabilité et l’action. Il s’agit d’une vision du monde systématique et complète. La vie de croyance concerne d’abord le moi intérieur, qui affecte ensuite le comportement ou les actions d’une personne. Une telle croyance implique de changer sa vision de la vie, du monde et des valeurs [c’est-à-dire les trois visions, 三观 sanguan]. C’est ce que la Bible dit qu’il faut faire. La théologie réformée comprend les trois points de vue véhiculés par la Bible et offre un système de croyance rationnel très attrayant pour les intellectuels chinois. En effet, les intellectuels ne veulent pas croire en une religion qu’ils ne comprennent pas. Ils veulent savoir de quoi il s’agit [les croyances chrétiennes] et pourquoi ils doivent y croire. Alors que les croyants des églises rurales traditionnelles ne lisent que la Bible, les églises réformées de la Chine urbaine suivent de près les catéchismes ou credo chrétiens tels que le Catéchisme de Westminster, le Catéchisme de Heidelberg, la Confession de foi de Westminster, etc. Ils font souvent une déclaration publique de leur foi en accrochant au mur de l’église des exemples de ces credo signés par tous les membres de l’église ou les chefs de groupe de l’assemblée. L’assemblée du pasteur Liu accroche la Confession de foi de Westminster au mur de tous ses lieux de réunion.

Au lieu d’étudier la Bible chaque semaine, comme c’était le cas auparavant, les membres de l’église Gospel Church étudient désormais le Catéchisme de Westminster depuis trois ans. Leur objectif est d’unifier l’Église sur le plan théologique et d’éviter qu’elle ne se divise. Toutefois, le passage au calvinisme a eu un prix. Comme il est communément admis dans les églises de maison traditionnelles que la Bible est la seule source d’écritures, le calvinisme a un prix.
L’adjonction du catéchisme a provoqué un grand désaccord parmi les membres de l’église, en particulier ceux qui avaient été responsables dans les églises de maison traditionnelles. Le différend porte souvent sur la question de savoir comment comprendre la volonté de Dieu. Pour le pasteur Liu, cela n’est possible qu’en apprenant « la vérité » de la doctrine transmise par le catéchisme, tandis que les membres des églises de maison traditionnelles interprètent souvent la volonté de Dieu en se basant sur des sentiments reçus de Dieu. C’est la principale raison de la scission de l’Église évangélique. (…)

L’ancien premier ministre des Pays-Bas, Abraham Kuyper, présente le calvinisme comme un système de vie, une vision du monde systématique comprenant trois relations importantes : entre les hommes et Dieu, entre les hommes et entre les hommes et le monde (Kuyper 1931, p. 9). Dans quelle mesure le calvinisme chinois partage-t-il cette vision ?

Source : KANG, Jie. The Rise of Calvinist Christianity in Urbanising China. Religions 2019, 10, 481; doi:10.3390/rel10080481.


Le calvinisme chinois prospère.

Les églises qui suivent Calvin constituent le troisième groupe chrétien dans le monde. En Chine, elles espèrent devenir la religion de l’élite.

Par Andrew BROWN

Jean Calvin était français, mais on se souvient de lui à Genève cette semaine parce que c’est là qu’il a édifié le calvinisme. Invité à réformer la ville en 1541, presque comme ce que l’on appellerait aujourd’hui un consultant en gestion, il a formé une alliance avec les pères de la ville. Au cours des vingt années de prédication et de pastorat qui ont suivi, ils ont transformé cette petite ville, qui ne comptait alors que 10 000 habitants, en un modèle de gouvernement ecclésiastique et de théologie qui a changé le monde.

Ses disciples forment aujourd’hui le troisième plus grand groupe chrétien au monde. L’alliance mondiale des Églises réformées revendique 75 millions de membres et, bien que ce chiffre soit inférieur aux 80 millions de l’Union anglicane, il n’est pas gonflé par les 25 millions d’anglicans de nom de Grande-Bretagne.

Bien que le calvinisme soit en recul en Europe occidentale et en Amérique du Nord, il connaît un succès extraordinaire en Chine. Lundi, j’ai discuté avec la Révérende May Tan, de Singapour, où la communauté chinoise d’outre-mer entretient des liens étroits avec la Chine continentale. L’histoire qu’elle m’a racontée de la propagation de la religion calviniste en tant que religion des élites en Chine est tout à fait extraordinaire. Il peut y avoir des parallèles avec la croissance du calvinisme en Corée du Sud, où se trouvent les plus grandes églises presbytériennes du monde, mais la situation est absolument différente de la celle en Afrique et en Amérique latine. Là-bas, les formes de christianisme qui se développent le plus rapidement sont pentecôtistes et se répandent parmi les pauvres.

Mais en Chine, rien de tout cela n’est vrai.

Les calvinistes méprisent les pentecôtistes. Ils tremblent devant les émotions débridées. S’ils sont terrassés dans l’esprit, c’est d’un seul coup de poing décent : ils ne roulent pas sur le sol après [2]. En Chine, c’est dans les universités d’élite que le calvinisme se répand le plus rapidement, alimenté par des prodiges de l’apprentissage et de la traduction. Wang Xiaochao, philosophe dans l’une des universités de Pékin, a traduit en chinois, directement à partir du latin, les deux œuvres majeures de saint Augustin, les Confessions et la Cité de Dieu. Progressivement, toutes les œuvres majeures des premiers siècles de la tradition chrétienne sont traduites directement en chinois à partir des langues originales.

Tout cela se passe en dehors du contrôle de l’organisme officiel qui est censé surveiller et superviser les églises en Chine. Ce sont les départements de philosophie des universités, les départements de langues et les départements de littérature et de civilisation occidentale qui sont chargés de cette tâche.

« Les églises [officiellement reconnues] ne sont pas satisfaites des universités, car elles ne sont pas sous leur contrôle. Et leurs facultés théologiques ne sont pas au niveau intellectuel des universités », explique le Dr Tan. « Le christianisme chinois, qui utilise des Chinois pour penser le christianisme, est devenu un mouvement très intéressant. »

Bon nombre des missionnaires qui ont tenté d’introduire le christianisme en Chine avant que les communistes ne prennent le pouvoir étaient des presbytériens et d’autres types de calvinistes. Mais cela n’explique pas pourquoi le calvinisme est aujourd’hui la théologie préférée des églises de maison et des intellectuels. Le Dr Tan suggère que c’est parce qu’il est protestant, c’est-à-dire qu’il peut être présenté de manière beaucoup plus convaincante que le catholicisme romain, puisque les congrégations presbytériennes choisissent leurs propres pasteurs. Je pense que cela est extrêmement important à une époque où la Chine se remet d’un siècle et demi de victimisation par les puissances occidentales ; l’insistance du pape à nommer des évêques catholiques est inacceptable pour le gouvernement et peut-être aussi pour le peuple.

Si la Révérende Tan va prêcher dans une église officielle, voici ce qu’elle dit :

« Il y aura peut-être 1000 personnes et 95 % d’entre elles ont plus de 65 ans. C’est donc une église qui s’éteint. Mais si je vais dans une église de maison, il y aura 1000 personnes, dont 20 dans la cinquantaine, et tous les autres sont des jeunes. Les plus âgés seront tous des professeurs d’universités. Ces jeunes représentent donc l’avenir des églises. Ils n’ont pas de pasteurs attitrés et n’ont pas accès aux facultés théologiques, mais ils ont la jeunesse, l’avenir et l’argent. »

Le calvinisme n’est pas une religion de soumission à un gouvernement. Les grands mythes nationaux des cultures calvinistes parlent tous de guerres contre des oppresseurs impérialistes : les Hollandais contre les Espagnols, les Écossais contre les Anglais, les Américains contre les Britanniques. Ainsi, lorsque les églises de maison chinoises ont émergé des décombres de la révolution culturelle dans les années 1980 et 1990, « elles ont commencé à chercher quelle théologie les soutiendrait et les guiderait. Elles ont lu Luther et ont dit : ‘pas lui’. Elles ont lu Calvin et ont dit : ‘c’est lui, parce qu’il a une théologie de la résistance’. Luther ne peut pas leur enseigner ni les conseiller sur la manière de traiter avec un gouvernement s’opposant à elles. »

Et si les communistes ont stigmatisé le christianisme comme une religion étrangère, ils ont aussi, et encore plus profondément, détruit les religions traditionnelles de la Chine : « La critique communiste et socialiste de la religion traditionnelle et du confucianisme a été efficace », dit le Dr Tan : « Les jeunes pensent que c’est une très bonne chose d’être chrétien. Le communisme a éliminé tous les obstacles qui les empêchaient de venir au christianisme. »

Les estimations les plus prudentes font état de 500 000 nouveaux convertis au christianisme ; une nouvelle église est construite chaque mois. Le christianisme calviniste possède une culture industrielle phénoménale. Calvin lui-même, à l’époque où il vivait à Genève, prêchait tous les jours et deux fois le dimanche : des sténographes installés au pied de sa chaire ont consigné 108 volumes de ses sermons, bien que la plupart d’entre eux aient été perdus et que sa réputation repose sur les livres et les brochures qu’il a rédigés lui-même. En Chine, ce type de christianisme est aujourd’hui considéré comme tourné vers l’avenir, rationnel, intellectuellement sérieux et propice à la création de richesses.

« Très bientôt », a déclaré le Dr Tan, « les chrétiens deviendront la majorité des étudiants à l’université… cela pourrait arriver. »

Il serait étonnant que la Chine devienne une grande puissance dans le monde chrétien comme dans le monde économique. Mais des choses tout aussi étranges se sont produites dans le passé. Qui aurait pu prévoir, à l’époque où Augustin écrivait ces gigantesques livres aujourd’hui traduits en chinois, que l’Europe barbare deviendrait le centre de la civilisation chrétienne et que sa patrie d’Afrique du Nord deviendrait entièrement musulmane ?

Source : https://www.theguardian.com/commentisfree/andrewbrown/2009/may/27/china-calvin-christianity

Article original en anglais publié le 27 mai 2009 dans The Guardian.


Documentaire vidéo

La Croix : Jésus en Chine

Ce documentaire, La Croix : Jésus en Chine (The Cross: Jesus in China), dépeint l’histoire peu connue d’un peuple remarquable ; c’est l’histoire mouvementée des chrétiens chinois qui a commencé il y a 70 ans portée à l’écran ! Pour la première fois, l’histoire du christianisme en Chine, en particulier au sein du mouvement des églises de maison, est relatée de manière honnête et complète. Le film répond à la question soulevée par de nombreuses personnes hors de Chine : comment le nombre de chrétiens chinois est-il passé de 700 000 en 1949 à environ 80 à 100 millions aujourd’hui malgré le contrôle communiste ?

À l’aide d’images en direct et d’interviews, le film capture les histoires vraies de nombreuses personnes et cherche à répondre aux questions les plus courantes : comment le gouvernement chinois traite-t-il les chrétiens chinois et vice-versa ? Comment les chrétiens chinois se sont-ils développés, ont-ils survécu et grandi ? Quel genre de personnes sont-ils et quelle influence ont-ils eu et auront-ils sur la société chinoise ?

Le film documentaire se compose de quatre épisodes. Il dure environ quatre heures.

Semences sanglantes

Cet épisode nous amène sur les traces sanglantes des missionnaires chinois de l’ancienne génération après la rébellion des Boxers, en particulier au cours des cinquante dernières années. Il raconte les histoires de Mingdao Wang, John Sung, Watchman Nee, Allen Yuan, Samuel Lamb, Moses Xie, Yang Xinfei et Epaphras.

Coupe amère

Cet épisode contient de nombreux témoignages poignants de missionnaires de la jeune génération. Leur dévouement, leurs souffrances, leur fidélité et leurs actions de grâces ont conduit à un réveil sans précédent de l’Église chrétienne chinoise.

Source de vie

Cet épisode relate le renouveau que l’Évangile a apporté à un grand nombre de personnes de tous horizons dans la Chine moderne. Sont inclus des témoignages d’agriculteurs, d’étudiants, de fonctionnaires, de criminels, d’orphelins, d’acteurs, d’écrivains, de scientifiques et d’entrepreneurs.

Hymnes de Canaan

Cet épisode raconte l’histoire étonnante d’une jeune fille de campagne, Xiaomin. Ayant abandonné ses études secondaires et sans formation musicale, elle a pourtant composé, par la puissance du Saint-Esprit, plus d’un millier d’hymnes qui sont devenus une pièce maîtresse dans l’hymnologie de l’Église chinoise, reflétant l’âme de ce peuple chrétien souffrant, mais porté par une espérance céleste.

La croix : Jésus en Chine a été traduit en 15 langues et a récemment été sélectionné comme ressources pour un séminaire « Foi et mondialisation » dirigé par l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair à l’Université de Yale.

Source : https://www.chinasoul.org/en_US/the-cross


L’Église persécutée en Chine


Hudson Taylor
Père de la Mission de la Chine Intérieure (1832-1905)
par Orlando Boyer

Par Orlando BOYER

James Taylor s’était levé de bonne heure. Il était enfin là, le jour annoncé et tant attendu de son mariage ; le jeune homme se mit à tout préparer pour recevoir sa jeune épouse dans la maison qu’ils allaient occuper. Tout en travaillant, il réfléchissait aux événements récents qui avaient eu lieu au village.

Deux familles, les Cooper et les Shaw, s’étaient converties et avaient invité John Wesley à prêcher pour cette grande occasion. L’ancien prêcha un tel sermon sur « La colère imminente » que les gens se détournèrent de leurs persécutions, laissant tranquille l’intrépide orateur qui logeait chez Monsieur Shaw.

Tout en préparant la maison pour l’arrivée de la jeune femme, James écoutait la voix de la voisine, madame Shaw, qui chantait. Il se souvint alors qu’il y avait quelques mois, elle passait tout son temps au lit, gémissant jour après jour à cause de son rhumatisme qui l’avait laissée impotente. Mais lorsqu’elle se fut « confiée au Seigneur » comme elle disait, pour qu’Il la guérisse, la transformation fut grande. De même, grande fut la surprise de son mari lorsqu’il rentra : non seulement sa femme était debout et guérie, mais elle était en train de balayer la cuisine !

James Taylor haïssait la religion. C’était le jour de son mariage. Après la noce, ils iraient danser et boire, comme c’était la coutume. Cependant, il ne pouvait oublier ces paroles, entendues dans le sermon du prédicateur : « Mais ma maison et moi, nous servirons le Seigneur. »

Il allait prendre femme et il allait assumer les responsabilités d’un mari et d’un père de famille. Jusqu’alors, son insouciance avait été très grande. Résolu alors à entamer sérieusement sa vie d’homme marié, il se mit à répéter les paroles : « Nous servirons le Seigneur ! »

Les heures passèrent. Le soleil monta dans le ciel, baignant de sa lumière les maisons couvertes de neige. Mais le jeune James, oublieux de toutes ces choses matérielles et pris par la réalité des choses éternelles, resta à genoux face à face avec Dieu. Enfin, l’amour du Sauveur vainquit le cœur de James Taylor qui se leva, possédé de Jésus-Christ.

Nous pouvons nous imaginer, tandis que les cloches sonnaient, combien la jeune mariée et les invités s’impatientèrent ce jour-là. L’heure de la cérémonie était passée lorsque le jeune homme revint à lui et se releva de sa prière. Après s’être changé, il fit en courant les trois kilomètres qui le séparaient du petit village de Royston.

Sans perdre de temps à demander au jeune homme la raison d’un tel retard, on commença la cérémonie et James et Elisabeth sortirent de l’église mari et femme. Le jeune homme n’hésita pas et, aussitôt dehors, il raconta ce qui lui était arrivé et sa conversion à Betty. En entendant cela, celle-ci s’exclama d’un ton désespéré : « Alors je viens d’épouser l’un de ces méthodistes ! »

Ce jour-là, il n’y eut pas de danse ; la voix et le violon du marié servirent à glorifier le Maître. Betty, tout en sachant dans son cœur que James avait raison, continua à résister et à se plaindre. Alors, un jour où elle se montrait encore plus fâchée, le robuste James la prit dans ses bras et l’emporta dans la chambre ; là, il s’agenouilla à côté d’elle et se mit à prier pour elle de toute son âme. Emue par le chagrin profond et le souci que James se faisait pour son âme, elle commença à se rendre compte de son péché et, le lendemain, agenouillée à côté de son mari, Elisabeth Taylor implora Dieu, renonça à la vanité de ce monde et se confia à Christ.

C’est ainsi, avec ses arrière-grands-parents, que commence la vraie biographie du héros de la foi, Hudson Taylor. A leur tour, ses grands-parents et ses parents élevèrent leurs enfants dans la même crainte de Dieu.

Un jour mémorable, avant la naissance de Hudson, l’aîné de la famille, le père appela sa femme pour discuter avec elle d’un passage des Ecritures qui l’avait fortement impressionné. Dans sa bible, il avait lu une partie du chapitre 13 de l’Exode et du chapitre 3 des Nombres : « Consacre-Moi tout premier-né […] ; il m’appartient […] ; les mâles appartiennent à l’Eternel […]. Tu consacreras à l’Eternel tout premier-né […] »

Les deux époux parlèrent longtemps de la joie qui les attendait. Puis, à genoux, ils remirent leur premier-né au Seigneur, Lui demandant de le mettre à part dès cet instant pour Son œuvre.

James Taylor, le père de Hudson, non seulement priait avec ferveur pour ses cinq enfants, mais il leur enseignait également à tout demander à Dieu, jusqu’à la moindre chose.

Chaque jour, à genoux à côté du lit, le père entourait de son bras chacun de ses enfants tandis qu’il priait avec insistance pour eux. Il insistait pour que chaque membre de la famille passât aussi au moins une demi-heure par jour avec Dieu, pour renouveler son âme au moyen de la prière et de l’étude des Ecritures.

La porte fermée de la chambre de la mère, tous les jours à midi, en dépit des innombrables et constantes obligations qui lui incombaient, avait également une grande influence sur tous, car ils savaient qu’elle se prosternait alors devant Dieu pour renouveler ses forces et pour demander qu’autrui se sente attiré vers l’Ami invisible qui habitait en elle.

Rien d’étonnant, dans ce cas, qu’en grandissant Hudson se soit consacré entièrement à Dieu. Le grand secret de son incroyable succès était que lorsqu’il manquait de quelque chose, dans le domaine spirituel comme dans le domaine matériel, il avait toujours recours à Dieu et il recevait de Lui des trésors infinis.

Néanmoins, il ne faut pas penser que la jeunesse de Hudson fut exempte de luttes difficiles. Comme cela se passe pour beaucoup, le jeune homme arriva à l’âge de dix-sept ans sans avoir reconnu Christ comme son Sauveur. A ce sujet, il écrivit plus tard :

« Cela peut paraître étrange, mais je suis reconnaissant des années passées dans le scepticisme. L’absurdité du fait qu’il y ait des croyants qui disent croire en la Bible alors qu’ils se conduisent comme si ce Livre n’existait pas était l’un des arguments les plus forts de ceux qui partageaient mon scepticisme. Très souvent, j’affirmais que si j’acceptais la Bible, je ferais tout mon possible pour suivre ses enseignements et au cas où je n’y trouverais pas une valeur pratique, je lancerais le tout aux orties. C’était là ma résolution lorsque le Seigneur me sauva. Je crois que, depuis lors, j’ai vraiment mis à l’épreuve la Parole de Dieu. Certes, je ne me suis jamais repenti d’avoir eu confiance en ses promesses ni d’avoir suivi ses règles.

« C’est pourquoi je désire vous raconter comment Dieu exauça les prières que ma mère et ma sœur chéries adressèrent au Seigneur pour ma conversion.

« Un jour, pour moi inoubliable […], afin de me distraire, je pris un livre dans la bibliothèque de mon père. J’avais l’intention de lire le début de l’histoire et de m’arrêter avant les exhortations de la fin.

« Je ne savais pas ce qui se passait à ce même instant dans le cœur de ma mère chérie qui se trouvait à plus de cent kilomètres de là. Elle avait quitté la table, soupirant après la conversion de son fils. Comme elle se trouvait loin de sa famille, sans besognes ménagères pour l’occuper, elle se retira dans sa chambre, résolue à n’en pas sortir avant d’avoir reçu une réponse à ses prières. Elle pria pendant plusieurs heures jusqu’à ce qu’enfin elle puisse louer Dieu, le Saint-Esprit lui ayant révélé que le fils pour lequel elle priait, venait de se convertir.

« De mon côté, comme je l’ai dit, je fus poussé à ce même moment à lire ce petit livre. Mon attention fut attirée par les paroles suivantes : l’œuvre consommée. Je me demandai alors pourquoi l’auteur n’avait pas écrit : l’œuvre propitiatoire. Quelle est cette œuvre consommée ? Puis je me rendis compte que la propitiation de Christ était totale et parfaite. Toute la dette de nos péchés était payée et il ne me restait rien à faire. A ce moment-là, je ressentis une conviction merveilleuse, je fus illuminé par le Saint-Esprit et je reconnus que la seule chose à faire était de me prosterner et d’accepter le Sauveur et Son salut et de Le louer à jamais.

« Ainsi donc, pendant que ma mère chérie, à genoux dans sa chambre, louait Dieu, moi je faisais de même dans la bibliothèque de mon père où j’étais entré pour lire un peu. »

Ce fut ainsi que Hudson Taylor accepta pour sa propre vie l’œuvre propitiatoire de Jésus-Christ, acte qui transforma totalement le reste de sa vie. Il écrivit ceci à propos de sa consécration :

« Je me souviens très bien de ce moment où, le cœur rempli de joie, j’épanchai mon âme devant Dieu, Lui répétant combien j’étais reconnaissant et rempli d’amour parce qu’Il avait tout fait, qu’Il m’avait sauvé lorsque j’avais perdu tout espoir et que je ne désirais même plus le salut. Puis je Le suppliai de me confier une œuvre à réaliser pour exprimer mon amour et ma gratitude, quelque chose qui exigerait de l’abnégation ; quelque chose pour plaire à Celui qui avait tant fait pour moi. Je me souviens comment je Lui consacrai tout, sans réserve, plaçant ma propre personne, ma vie, mes amis et tout le reste sur l’autel. Convaincu que mon offrande serait acceptée, la présence de Dieu devint très réelle et précieuse. Je me prosternai devant Lui, rempli d’humilité et d’une joie indicible. Pour quel service j’avais été accepté, je ne le savais pas, mais je ressentis une certitude si profonde que je ne m’appartenais déjà plus, et ce sentiment domina dès lors toute ma vie. »

Le jeune homme qui entra dans sa chambre pour être seul avec Dieu ce jour-là, n’était plus le même lorsqu’il en ressortit. La connaissance d’un dessein et d’une puissance s’était emparée de lui. Il ne lui suffisait déjà plus d’alimenter sa seule âme dans les cultes, il commença à éprouver un sentiment de responsabilité envers son prochain ; maintenant, il désirait s’occuper de ce qui concerne son Père. Il trouva sa joie dans des richesses et des bénédictions indicibles. Comme les lépreux du campement des Syriens, Hudson et sa sœur Amelia disaient : « Nous n’agissons pas bien ; aujourd’hui est jour de bonnes nouvelles et nous nous taisons. » Ainsi donc, ils renoncèrent à aller au culte le dimanche soir pour aller annoncer le message de l’Évangile, de porte en porte, parmi les classes les plus pauvres de la ville.

Cependant, Hudson Taylor n’était toujours pas satisfait ; il savait qu’il ne faisait pas encore toute la volonté de Dieu. Alors, l’esprit en proie à l’angoisse, il s’écria comme tel personnage de l’Antiquité : « Je ne te laisserai, que tu ne me bénisses. » Se trouvant seul et à genoux, un grand dessein se fit jour en son âme ; si Dieu brisait le pouvoir du péché et le sauvait d’esprit, d’âme et de corps, pour l’éternité, il renoncerait à tout sur la terre pour se mettre pour toujours à la disposition de Dieu. A propos de cette expérience, Hudson Taylor s’exprima ainsi :

« Je n’oublierai jamais ce que je ressentis à ce moment-là ; il n’y a pas de mot pour le décrire. Je me sentis en présence de Dieu, concluant une alliance avec le Tout-Puissant. Il me sembla entendre une voix prononcer les paroles suivantes : ‘Ta prière a été entendue ; tes conditions ont été acceptés.’ Depuis lors, je n’ai jamais douté que Dieu m’avait appelé pour aller travailler en Chine. « 

Bien qu’Hudson Taylor n’en parlât presque jamais, cet appel de Dieu brûlait comme une torche dans son cœur. Nous rapportons ci-dessous le paragraphe suivant extrait d’une lettre qu’il écrivit à sa sœur :

« Imagine trois cent soixante millions d’âmes sans Dieu et sans espérance en Chine ! Il paraît incroyable que douze millions de personnes meurent chaque année sans la consolation de l’Evangile! […] Presque personne n’accorde d’importance à la Chine où vit près du quart de la race humaine […] Prie pour moi, chère Amelia, et demande au Seigneur de me donner davantage l’Esprit du Christ […] Je prie dans le magasin, dans l’écurie, partout où je peux être seul avec Dieu. Et Il m’accorde des instants glorieux […] Il n’est pas juste d’attendre de V. […] (la fiancée de Hudson) qu’elle vienne avec moi mourir à l’étranger. Je regrette profondément de devoir me séparer d’elle, mais mon Père sait ce qui est le mieux pour moi et Il ne me refusera rien qui ne soit bon […]. »

Faute de place, nous ne pouvons relater ici l’héroïsme dans la foi dont fit preuve le jeune homme, acceptant les sacrifices et les privations nécessaires afin de suivre les cours de médecine et de chirurgie qui lui permettraient de mieux servir le peuple de Chine.

Avant de s’embarquer, il écrivit à sa mère : « Je désire être près de toi une fois encore, car je sais que toi, ma mère, tu désires me voir, mais je crois qu’il vaut mieux ne plus nous serrer dans les bras, car cela serait comme nous retrouver pour ensuite nous séparer pour toujours […]. » Cependant, sa mère se rendit au port d’où le bateau devait mettre les voiles. Des années plus tard, il décrivit ainsi le départ :

« Ma mère chérie, qui repose maintenant avec le Christ, vint à Liverpool pour me dire au revoir. Je n’oublierai jamais la façon dont elle entra avec moi dans la cabine où j’allais vivre pendant près de six longs mois. Avec sa tendresse de mère, elle prépara la couchette. Elle s’assit à côté de moi et nous avons chanté un dernier hymne ensemble avant de nous séparer. Nous nous sommes agenouillés et elle pria ; ce fut la dernière prière de ma mère avant mon départ pour la Chine. On entendit alors le signal indiquant à ceux qui ne partaient pas qu’ils devaient débarquer. Nous nous sommes fait nos adieux, sans espoir de nous revoir un jour […] Lorsque le bateau quitta le quai et que la séparation devint une réalité, de son cœur jaillit un cri d’angoisse si émouvant que je ne l’oublierai jamais. Ce fut comme si mon cœur avait été transpercé par un coup de poignard. Je ne m’étais jamais encore si bien rendu compte de ce que signifiaient les paroles : ‘Parce que c’est ainsi que Dieu aima les hommes.’ Je suis sûr qu’à ce moment-là, ma mère chérie comprit, elle aussi, plus qu’en toute autre occasion de sa vie, l’amour de Dieu pour les hommes qui périssent. Oh ! Comme le cœur de Dieu s’attriste à voir Ses enfants se boucher les oreilles à l’appel divin à sauver le monde, pour lequel son Fils unique et bien-aimé a souffert et est mort ! »

Les passagers des navires modernes ne connaissent pas le manque de confort des voyages en bateau à voiles. Après l’une des nombreuses tempêtes que dut traverser le Dumfries, notre héros écrivit : « La plus grande partie de tout ce que je possède est mouillée. La cabine du pauvre commissaire a été inondée […]. »

C’est grâce aux prières et aux efforts de tous ceux qui étaient à bord qu’ils réussirent à sauver leur vie lorsque le bateau, entraîné par une forte tempête, fut sur le point de faire naufrage sur les rochers de la côte de Galles. Le voyage qu’il espérait faire en quarante jours, leur prit cinq mois et demi ! Ce n’est que le 1er mars 1854 que Hudson Taylor, âgé de vingt et un ans, put débarquer à Shanghai. C’est alors qu’il écrivit ses impressions :

« Je ne peux décrire mes sentiments lorsque je touchai la terre ferme. Je crus que mon cœur allait éclater dans ma poitrine ; des larmes de gratitude et de joie m’inondaient le visage. »

Puis, il ressentit une grande nostalgie ; il n’avait pas un ami, pas une connaissance, pas une seule personne dans tout le pays qui puisse lui souhaiter la bienvenue ni même l’appeler par son nom.

En ce temps-là, la Chine était terra incognita, à l’exception des cinq ports du littoral, ouverts aux étrangers qui pouvaient y résider. C’est chez un missionnaire de Shanghai, l’un de ces cinq ports, que le jeune homme prit pension.

La victoire remportée dans les différentes épreuves qu’il dut affronter à ce moment-là est due à un trait de caractère remarquable de Hudson Taylor, à savoir sa faculté d’aller toujours de l’avant sans jamais se laisser arrêter dans son œuvre, quel que soit le contretemps.

Au cours des trois premiers mois de son séjour en Chine, il distribua mille huit cents Nouveaux Testaments et évangiles et plus de deux mille livres. Dans l’année 1855, il fit huit voyages, dont l’un de trois cents kilomètres en remontant le fleuve Yang-tseu. Lors d’un autre voyage, il se rendit dans cinquante et une villes où l’on n’avait jamais entendu le message de l’Évangile. A l’occasion de ces voyages, il était toujours averti du danger qu’il courait parmi des gens qui n’avaient jamais vu d’étrangers.

Afin de gagner davantage d’âmes à Christ, en dépit de la censure des autres missionnaires, il prit l’habitude de s’habiller à la chinoise. Il se rasa le devant du crâne et laissa pousser le reste de ses cheveux pour se faire une longue tresse. Il attachait son pantalon, large de plus d’un demi mètre, avec un ceinturon, comme c’était la coutume. Il portait des bas en coton blanc et des chaussures en satin. Le manteau qu’il portait dépassait l’extrémité de ses doigts de soixante-dix bons centimètres.

Mais une des épreuves les plus lourdes que dut endurer notre héros fut le manque d’argent lorsque la mission qui l’avait envoyé se trouva sans ressources. Le 20 janvier 1858, Hudson Taylor épousa Mary Dyer, missionnaire en Chine, elle aussi. De cette union, naquirent cinq enfants. La maison où ils habitèrent au début, dans la ville de Ning-po, devint par la suite le berceau de la célèbre Mission de la Chine intérieure.

Les privations et les obligations imposées par le ministère à Shanghai, Ning-po et ailleurs étaient telles que Hudson Taylor, après moins de six années en Chine, dut rentrer en Angleterre pour y recouvrer la santé. Pour lui, ce fut presque une sentence de mort lorsque les médecins lui dirent qu’il ne devrait jamais retourner en Chine.

Néanmoins, le fait qu’il mourait un million d’âmes en Chine chaque mois était une réalité pour Hudson Taylor ; ainsi donc, dès son arrivée en Angleterre, il entreprit immédiatement, avec un courage indomptable, le travail de préparation d’un recueil d’hymnes, ainsi que la révision du Nouveau Testament pour les nouveaux convertis qu’il avait laissés en Chine. Il continuait de porter son habit chinois typique et il travaillait avec la carte de Chine épinglée au mur et la Bible toujours ouverte sur la table. Après s’être nourri et rempli de la Parole de Dieu, il contemplait la carte, et ses pensées s’en allaient auprès de ceux qui ne jouissaient pas de telles richesses. Il exposait tous ses problèmes à Dieu. Rien n’était jamais trop grand ni trop insignifiant pour être confié à Dieu dans ses prières.

Quant à ses activités, il était si surchargé de travail avec la correspondance et la préparation des cultes célébrés au profit de la Chine qu’après son retour, il s’écoula plus de vingt jours avant qu’il ne pût aller embrasser ses chers parents à Bransley.

Il avait coutume de passer à prier et à jeun, parfois la matinée, parfois la matinée et l’après-midi. Le passage suivant qu’il écrivit montre combien son âme continuait à brûler du feu divin dans les discours qu’il prononçait dans les églises d’Angleterre sur l’œuvre missionnaire :

« Il y avait à bord, parmi nos compagnons de voyage, un Chinois du nom de Peter, qui avait passé quelques années en Angleterre, mais qui, en dépit d’une vague connaissance de l’Evangile, ne croyait pas qu’il pouvait le sauver. Je me sentais donc responsable de lui et je m’employai à prier et à lui parler, afin de l’amener vers Christ. Mais, alors que le bateau s’approchait de Sung-Kiang et que je me préparais à débarquer pour prêcher et distribuer des brochures, j’entendis le cri d’un homme qui venait de tomber à la mer. Je sortis sur le pont avec d’autres personnes pour découvrir que Peter avait disparu.

« Nous avons amené les voiles immédiatement, mais le courant était si fort que nous ne pouvions être sûrs de l’endroit exact où l’homme était tombé. Je vis alors qu’il y avait quelques pêcheurs près de notre bateau qui se servaient d’une traîne. Le cœur étreint d’angoisse, je leur criai : Venez jeter votre filet par là, un homme est en train de se noyer ! Veh bin fut la réponse inattendue, ce qui veut dire : ce n’est pas le moment.

– Je ne vous demande pas si cela convient ou non. Venez vite, avant que cet homme ne périsse.

– Nous sommes en train de pêcher.

– Je sais, mais venez tout de suite et je vous paierai bien.

– Combien nous donnerez-vous ?

– Cinq dollars, mais ne restez pas là à discuter. Sauvez cet homme sans attendre !

– Cinq dollars, ce n’est pas assez ; répondirent-ils. Nous ne le ferons pas pour moins de trente dollars.

– Mais je ne les ai pas ! Je vous donnerai tout ce que j’ai.

– Combien avez-vous?

– Je ne sais pas […], mais pas plus de quatorze dollars.

« Alors les pêcheurs s’approchèrent et lancèrent leur filet à l’endroit indiqué. Sur-le-champ, ils ramenèrent le corps de l’homme à leur première tentative. Cependant, tous les efforts pour le ranimer furent inutiles. Une vie avait été sacrifiée à cause de l’indifférence de ceux qui auraient pu la sauver, presque sans efforts. »

En entendant raconter cette histoire, une vague d’indignation passa sur tout l’auditoire. Il y avait donc dans le monde un peuple si endurci et intéressé ? Mais en écoutant la suite, la condamnation frappa plus encore le cœur de ceux qui écoutaient.

« Le corps vaut-il donc davantage que l’âme ? Nous blâmons ces pêcheurs, les accusant d’être coupables de la mort de Peter, parce qu’il était facile de le sauver. Mais qu’en est-il des millions de personnes que nous laissons périr pour toute l’éternité ? Que dire alors de l’ordre implicite : Allez par tout le monde et prêchez la bonne nouvelle à toute la création ? Dieu nous a dit aussi :

« Délivre ceux qu’on traîne à la mort, ceux qu’on va égorger, sauve-les ! Si tu dis : Ah! nous ne savions pas ! … Celui qui pèse les cœurs ne le voit-il pas ? Celui qui veille sur les âmes ne le connaît-il pas ? Et ne rendra-t-Il pas à chacun selon ses œuvres? » (Proverbes 24:11, 12).

« Croyez-vous que chacun de ces millions de Chinois a une âme immortelle et que le seul nom sous le ciel, donné aux hommes, soit le précieux nom de Jésus, le seul qui puisse nous sauver ? Croyez-vous que Lui, et Lui seul, est le chemin, la vérité et la vie et que personne ne vient au Père, si ce n’est par Lui ? Si vous croyez cela, faites votre examen de conscience afin de voir si vous faites tout votre possible pour faire connaître Son nom à tous.

« Personne n’a le droit de dire qu’il n’a pas été appelé à aller en Chine. Devant de tels faits, tous doivent savoir s’ils ont été appelés à rester à la maison. Ami, si tu n’es pas sûr d’avoir été appelé à rester là où tu es, comment peux-tu désobéir au commandement clair du Sauveur de partir ? Si, malgré tout, tu es sûr d’être là où le Christ veut que tu sois, non pas par convenance personnelle ni en raison de ton confort de vie, alors pries-tu comme il convient pour les millions d’âmes perdues en Chine ? Utilises-tu tes ressources pour le salut de ces millions d’âmes ? »

Un jour, en étudiant les statistiques, peu après son retour en Angleterre, Hudson Taylor apprit que le nombre total de missionnaires évangéliques en Chine avait diminué au lieu d’augmenter. En dépit du fait que la moitié de la population païenne du monde se trouvait en Chine, le nombre de missionnaires était tombé, au cours de l’année, de cent quinze à quatrevingt-onze seulement. Les paroles suivantes résonnèrent aux oreilles du missionnaire : « Quand je dis au méchant : Méchant, tu mourras ! si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa voie, ce méchant mourra dans son iniquité et je te redemanderai son sang » (Ezéchiel 33:8).

C’était un dimanche matin, le 25 juin 1865, au bord de la mer. Hudson Taylor, fatigué et malade, se trouvait à Brighton avec quelques amis. Mais incapable de supporter davantage l’allégresse de la foule dans la maison de Dieu, il se retira et alla marcher seul sur le sable de la plage tandis que la marée baissait. Tout autour de lui régnaient la paix et le calme, mais dans l’âme du missionnaire rugissait la tempête. Finalement, en proie à un soulagement indicible, il s’écria : « Toi, Seigneur, Toi seul peux assumer toute la responsabilité. A Ton appel, en bon serviteur, j’irai de l’avant, laissant tout entre Tes mains. » Ainsi donc, la Mission de la Chine intérieure fut conçue en l’âme de Hudson Taylor et toutes les étapes de son développement furent franchies grâce aux efforts de ce dernier. Dans le calme de son cœur, en communion profonde et indicible avec Dieu, naquit la mission.

Un crayon à la main, il ouvrit sa Bible ; tandis que les vagues de la mer immense baignaient ses pieds, il écrivit ces mots simples, mais mémorables : « J’ai prié à Brighton pour demander que me soient accordés vingt-quatre ouvriers compétents et disponibles, ce 25 juin 1865. »

Plus tard, au souvenir de cette victoire, il écrivit : « Grand fut le soulagement que je ressentis à mon retour de la plage. Une fois apaisé le conflit intérieur, tout fut joie et paix. Il me semblait que pour un peu, je me serais mis à courir vers la maison de monsieur Pearse. Cette nuit-là, je dormis profondément. Ma chère épouse eut l’impression que mon séjour à Brighton m’avait permis de me renouveler merveilleusement. C’était vrai ! « 

Le missionnaire victorieux, avec sa famille et les vingt-quatre missionnaires appelés par Dieu, s’embarquèrent à Londres, sur le Lammermuir à destination de la Chine, le 26 septembre 1866. L’objectif auquel tous aspiraient était de dresser la bannière de Christ dans les onze provinces non encore occupées de la Chine. Certains de leurs amis les encouragèrent, mais d’autres leur dirent :  » Tout le monde oubliera les frères. Comme il n’existe pas d’association ici, en Angleterre, personne ne s’intéressera à l’œuvre pendant bien longtemps. Il est facile de faire des promesses aujourd’hui ; d’ici peu de temps, vous n’aurez même plus le pain quotidien. »

Le voyage dura plus de quatre mois. A propos de l’une des tempêtes qu’ils essuyèrent, l’un des missionnaires écrivit :

« Pendant toute la tempête, Monsieur Taylor fit preuve de la plus grande sérénité. Finalement, les marins refusèrent de travailler. Le capitaine conseilla à tous les passagers de mettre leurs ceintures de sauvetage, précisant que le bateau ne résisterait pas à la force des vagues plus de deux heures. Puis le capitaine se dirigea vers les marins, son revolver à la main. A ce spectacle, Monsieur Taylor s’approcha de lui et lui demanda de ne pas forcer de cette façon les marins à faire leur travail. Le missionnaire se dirigea vers les hommes et leur expliqua que Dieu allait les sauver, mais que les efforts de tous ceux qui étaient à bord étaient nécessaires. Il ajouta que lui-même ainsi que tous les passagers étaient prêts à les aider et que, de toute évidence, leur vie à tous était en danger. Les hommes, convaincus par ces arguments, se mirent à réparer les dégâts, aidés par nous tous ; en peu de temps, nous avions réussi à arrimer les grands mâts, qui frappaient avec tant de force un côté du navire qu’ils y causaient de grands dégâts. »

Ainsi donc, ce furent des heures de grande réjouissance quand, enfin, le Lammermuir arriva au port de Shanghai, avec tout le monde à bord sain et sauf. Un autre navire qui arriva peu après avait perdu seize des vingt-deux personnes qui étaient à bord !

Les missionnaires commencèrent l’année 1867 par une journée de jeûne et de prière, demandant que Dieu les bénisse et agrandisse Son territoire. Le Seigneur les entendit et leur répondit en leur ouvrant cette année-là un grand nombre de villes ! Ils terminèrent l’année par une autre journée de jeûne et de prière. Un culte dura de onze heures du matin à trois heures de l’après-midi sans que personne ne se lasse. Lors d’un autre culte, qui débuta à huit heures et demie du soir et au cours duquel ils ressentirent mieux encore l’onction du Saint-Esprit, ils continuèrent à prier ensemble jusqu’à minuit, heure à laquelle ils célébrèrent la Sainte Cène.

Au début de l’année 1867, le Seigneur appela Grace Taylor, la fille de Hudson Taylor au foyer éternel, alors qu’elle venait d’avoir huit ans. L’année suivante, la femme de Taylor et son fils Noël moururent du choléra. Le père et mari s’exprima ainsi : « Lorsque le jour se leva, la lumière du soleil révéla ce que la lueur de la bougie avait dissimulé, la couleur caractéristique de la mort sur le visage de ma femme. Mon amour ne pouvait ignorer plus longtemps non seulement la gravité de son état, mais qu’elle allait mourir. Lorsque je fus parvenu à calmer mon esprit, je lui dis :

– Sais-tu, chérie, que tu vas mourir ?

– Mourir ! Tu crois ? Pourquoi penses-tu cela ?

– Je le vois, chérie. Tes forces s’épuisent.

– Vraiment ? Je ne ressens aucune douleur, je suis seulement fatiguée.

– Oui, tu pars pour la Maison du Père, bientôt tu seras avec Jésus.

« Mon épouse bien-aimée, pensant à moi qui allais rester seul, en un temps de luttes si rudes, privé de la compagne avec qui j’avais l’habitude de porter tous les problèmes auprès du trône de la gloire, me dit : ‘Je regrette beaucoup […]’ Puis elle s’arrêta, comme pour corriger ce qu’elle venait de dire, et je lui demandai : ‘Tu regrettes d’aller retrouver Jésus ?’

« Je n’oublierai jamais la façon dont elle me regarda et me répondit : ‘Oh, non ! Tu sais bien, chéri, que depuis plus de dix ans il n’y a jamais eu d’ombre entre mon Sauveur et moi. Je ne regrette pas de partir pour aller Le retrouver, mais je suis triste car tu vas rester seul pour affronter les luttes. Mais […] Il sera avec toi et pourvoira à tous tes besoins.’

« Je n’ai jamais assisté à une scène si émouvante, raconta Madame Duncan, lorsque Madame Taylor rendit le dernier soupir, Monsieur Taylor tomba à genoux, le cœur accablé de douleur et la confia au Seigneur qu’il remercia des douze années et demie qu’ils avaient passées ensemble. Il Le remercia aussi de l’avoir bénie et appelée auprès de Lui. Puis, il se voua lui-même à nouveau solennellement au service du Seigneur. »

Comme on peut le prévoir, Satan ne laissa pas la mission de la Chine intérieure envahir son territoire par ses vingt-quatre nouveaux ouvriers sans inciter le peuple à de plus grandes persécutions. En de nombreux endroits, on distribua des tracts qui accusaient les étrangers des crimes les plus barbares et les plus horribles, et en particulier ceux qui répandaient la religion de Jésus. Des villes entières s’agitèrent et nombreux furent les missionnaires qui durent tout abandonner pour fuir et sauver leurs vies.

Près de six ans après le débarquement du groupe de Lammermuir en Chine, Hudson Taylor retourna en Angleterre. Pendant cette période de son œuvre en Chine, la mission était passée de deux postes avec sept ouvriers à treize postes avec plus de trente missionnaires et cinquante ouvriers, avec une distance moyenne de cent vingt kilomètres entre les différents postes.

Ce fut au cours de ce séjour en Angleterre que Hudson épousa mademoiselle Faulding, elle aussi fidèle missionnaire en Chine. Vers cette époque, une amie écrivit à propos de Hudson Taylor :

« Monsieur Taylor annonça un hymne, s’assit à l’harmonium et commença à jouer. Sa personnalité n’était pas très attirante. Il était maigre et il parlait d’une voix douce. Comme tous les jeunes, je croyais qu’une voix puissante était toujours l’apanage d’un vrai prestige. Mais lorsqu’il dit : « Prions » et qu’il dirigea la prière, je changeai d’avis ; je n’avais jamais entendu personne prier ainsi. Il y avait dans sa prière une détermination, une puissance qui firent que toutes les personnes présentes s’humilièrent et se sentirent en présence de Dieu. Il s’adressait à Dieu face à face, comme s’il parlait à l’un de ses amis. Sans aucun doute une telle prière était le fruit de longues années de relation avec le Seigneur ; c’était comme la rosée qui tombe du ciel. J’ai entendu de nombreux hommes prier, mais je n’avais jamais entendu personne prier comme Monsieur Taylor et Monsieur Spurgeon. Personne, après avoir entendu la façon dont ces hommes priaient, ne pouvait l’oublier. La plus grande expérience que j’eusse dans ma vie fut d’entendre Monsieur Spurgeon prendre par la main, pour ainsi dire, un auditoire de seize mille personnes et l’amener jusqu’au Saint des Saints. Ecouter Monsieur Taylor prier pour la Chine me fit entrevoir ce que signifie la prière efficace du juste. »

C’est en 1874 que Hudson Taylor écrivit ce qui suit, alors qu’en compagnie de sa femme, il remontait le grand fleuve Yang-tseu et méditait sur les neuf provinces qui s’étendaient depuis les tropiques de Birmanie jusqu’aux hauts plateaux de Mongolie et aux montagnes du Tibet :

« Mon âme convoite et mon cœur désire avec ardeur évangéliser les cent quatre-vingt millions d’habitants de ces provinces qui n’ont pas d’ouvriers chrétiens. Oh, si j’avais cent vies à user ou à donner pour leur bien ! »

Mais, au milieu de leur voyage, il apprirent la mort de la fidèle missionnaire Amelia Blatchley, en Angleterre. Non seulement elle s’occupait des enfants de Monsieur Taylor, mais elle tenait aussi le poste de secrétaire de la Mission.

Grande fut la tristesse que ressentit Hudson Taylor lorsqu’il arriva en Angleterre de trouver non seulement ses enfants chéris séparés et dispersés, mais aussi l’œuvre de la Mission presque paralysée. Cependant ce ne fut pas son plus grand sujet de tristesse. Au cours du voyage sur le Yang-tseu, Monsieur Taylor, en descendant les escaliers du bateau, fit une mauvaise chute, car il tomba sur les talons, de telle manière que le choc provoqua une lésion de l’épine dorsale. Après son retour en Angleterre, la lésion produite par la chute s’aggrava au point de le condamner à garder le lit. Ce fut alors que survint la plus grande crise de sa vie, justement quand il avait le plus grand besoin de toutes ses forces. Complètement paralysé des jambes, il devait passer tout son temps allongé sur le dos !

Un petit lit était sa prison, ou mieux, était sa chance. Au pied du lit, sur le mur, il y avait une carte de la Chine. Et autour de lui, de jour comme de nuit, se tenait la Présence divine.

Là, un mois après l’autre, notre héros dut rester couché sur le dos à prier et supplier le Seigneur pour la Chine. Il eut assez de foi pour demander à Dieu d’envoyer dix-huit missionnaires. En réponse à sa « Supplique pour la prière », écrite avec la plus grande difficulté et publiée dans la revue de la mission, soixante jeunes répondirent à cet appel. Vingt-quatre d’entre eux furent choisis. Et là, autour de son lit, il commença à donner des cours aux futurs missionnaires auxquels il enseigna les rudiments de la langue chinoise, et le Seigneur les envoya en Chine. Le paragraphe suivant raconte la guérison du missionnaire qui n’avait plus aucune activité physique : « Il guérit de façon si merveilleuse en réponse à ses prières, qu’il put remplir un nombre incroyable de ses obligations. Il passa presque tout le temps de ses vacances avec ses enfants à Guernesey à écrire. Pendant les quinze jours qu’il y passa, en dépit de son désir de profiter avec eux des délices de la plage, il n’y alla qu’une seule fois. En revanche, il passa son temps à écrire et les lettres qu’il écrivit pour la Chine et pour d’autres endroits eurent plus de valeur que de l’or. »

Un missionnaire écrivit à propos d’une visite qu’il fit en Chine : « Je n’oublierai jamais la joie et l’amabilité avec lesquelles je fus reçu. On me conduisit immédiatement au bureau de la Mission de la Chine Intérieure. Dois-je dire que ce fut pour moi une surprise ou un étonnement, ou bien les deux ? Les « meubles » étaient des caisses en bois. Une table était couverte d’innombrables papiers et de lettres. A côté de la cheminée, il y avait un lit, bien fait, recouvert d’un morceau de tapis qui servait de dessus de lit, c’est sur ce lit que Monsieur Taylor se reposait, le jour comme la nuit.

« Monsieur Taylor, sans me présenter aucune excuse, s’allongea sur le lit et nous avons entamé la conversation la plus importante de toute ma vie. Tous les concepts que j’avais sur les qualités que devait posséder un grand homme en furent totalement changés ; il n’y avait en lui aucun esprit de supériorité. Je vis en lui l’idéal de Christ, la vraie grandeur, si évidente qu’elle est encore présente en mon cœur aujourd’hui, après toutes ces années. Hudson Taylor se rendait bien compte que pour évangéliser les millions de Chinois, il fallait absolument que les croyants en Angleterre fassent preuve de beaucoup plus d’abnégation et de sacrifice. Mais comment pouvait-il demander aux autres de faire des sacrifices, si lui-même ne donnait pas l’exemple dans sa propre vie ? Ainsi donc, il avait supprimé de propos délibéré tout ce qui dans sa vie avait la moindre apparence de confort et de luxe. »

Au cours des voyages qu’il fit à l’intérieur de la Chine, « il se levait invariablement pour passer une heure avec Dieu avant le lever du soleil », écrivit un autre missionnaire qui priait parfois avec lui avant d’aller se recoucher » . Quand je me réveillais pour aller nourrir les animaux, je le trouvais toujours en train de lire la Bible à la lueur d’une bougie. Quels que soient le vacarme ou l’ambiance dans les hôtelleries immondes, il ne manquait jamais à son habitude de lire sa bible. Lors de tels voyages, il priait à plat ventre, car les forces lui manquaient pour rester si longtemps à genoux. »

« Quel sera le thème de votre message aujourd’hui ? », lui demanda un croyant qui voyageait dans le même train. « Je ne sais pas exactement ; je n’ai pas encore eu le temps d’en décider », lui répondit Hudson Taylor. « Vous n’avez pas eu le temps ! », s’écria l’homme, « mais qu’avez-vous fait d’autre sinon vous reposer depuis que vous vous êtes assis ici ? » « Je ne sais pas ce que c’est que de se reposer », fut sa réponse sereine. « Depuis que nous avons embarqué à Edimbourg, j’ai passé tout ce temps à prier et à porter devant le Seigneur les noms de tous les membres de la Mission de la Chine intérieure, ainsi que les problèmes de chacun d’entre eux. »

Nous ne comprenons pas comment, engagé dans l’une des plus grandes œuvres d’évangélisation de toute l’histoire, il pouvait dire : « Le manque de ressources ne nous obligea jamais à nous retirer devant une porte ouverte. En dépit du fait qu’en de multiples occasions, nous avons dépensé jusqu’au dernier centime, le pain quotidien promis n’a jamais manqué à aucun des ouvriers indigènes ni à aucun des missionnaires. Les temps de privation sont toujours des temps bénis et le nécessaire n’arrive jamais trop tard. »

Un autre secret du grand succès qu’il obtint dans sa mission de porter le message du salut à l’intérieur de la Chine fut la décision que l’œuvre non seulement se poursuivrait avec un caractère international, mais qu’elle s’étendrait à toutes les confessions, c’est-à-dire qu’on accepterait les missionnaires dévoués à Dieu, quelles que soient leur nationalité et leur confession. En 1878, au retour d’un voyage, il se mit à prier pour demander à Dieu d’envoyer trente missionnaires de plus, avant la fin de l’année 1879. Si nous pensons à tout l’argent nécessaire pour payer les traversées et subvenir aux besoins de tant de personnes, dirons-nous que sa foi était grande ? Vingt-huit personnes, dans le cœur desquelles brûlait le désir d’apporter le salut aux âmes perdues de Chine, et faisant confiance à Dieu seul pour leur procurer le pain quotidien, s’embarquèrent avant la fin de 1878 et six autres partirent en 1879.

Lors d’une conversation qu’il eut avec un compagnon de lutte, dans la ville de Wuchang, Hudson Taylor se mit à énumérer les points stratégiques où il fallait commencer à évangéliser immédiatement les deux millions d’habitants de la vallée du grand fleuve Yang-tseu et de son affluent, le Han. Avec tout au plus cinquante ou soixante nouveaux ouvriers, la Mission ne pouvait pas franchir un tel pas, car elle n’avait pas plus de cent ouvriers en tout ! Néanmoins, la foi fut accordée à Hudson Taylor d’en demander soixante-dix autres, avec à l’esprit les paroles suivantes : « J’en ai désigné soixante-dix autres au Seigneur. »

« Nous nous sommes réunis aujourd’hui pour passer la journée à jeûner et prier » , écrivit Hudson Taylor le 30 juin 1872. « Le Seigneur nous a grandement bénis […] Certains passèrent la plus grande partie de la nuit en prière […] Le Saint-Esprit nous a remplis au point que nous avons eu l’impression de ne plus pouvoir rien recevoir sans en mourir.

« Lors d’un culte, nous avons loué Dieu sans interruption pendant près de deux heures pour les soixante-dix ouvriers déjà reçus par la foi. » En réalité, ils en reçurent plus de soixante-dix dans le délai fixé.

Le Seigneur amena peu à peu la mission à avoir une vision encore plus vaste, au point qu’en 1887 les ouvriers en demandèrent cent autres au Seigneur. Monsieur Stephenson déclara : « Si on me montrait une photo de tous les cent, prise ici en Chine, elle ne serait pas plus réelle que ne l’est la réalité. »

Malgré tout, Hudson Taylor ne lança pas avec précipitation la campagne de prière et d’efforts en vue d’obtenir cent missionnaires de plus. Comme toujours, il devait être sûr que c’était là la voie choisie par Dieu avant de se résoudre à prier et à faire des efforts pour atteindre le but.

Il se présenta six fois plus de candidats qu’ils n’en avaient demandé ! Mais la Mission repoussa fermement tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec les principes fixés dès le commencement. Ainsi donc, c’est le nombre exact demandé qui s’embarqua pour la Chine, ils n’étaient ni cent un ni quatre-vingt-dix-neuf, mais exactement cent.

Après le voyage de Hudson Taylor au Canada, aux Etats-Unis et en Suède en 1888 et 1889, la Mission de la Chine intérieure franchit une de ses étapes les plus importantes et atteignit un développement jamais auparavant enregistré dans les annales de l’histoire des missions. A propos de sa visite en Suède, notre missionnaire écrivit au sujet du fardeau qui l’accabla tout au long du voyage :

« J’avoue que je me sens honteux parce que jusqu’à maintenant, jamais je n’avais médité sur ce que le Maître voulait vraiment dire lorsqu’Il ordonna de prêcher l’Evangile à toute créature. Pendant de longues années, je me suis efforcé, comme beaucoup d’autres serviteurs de Dieu, de porter l’Évangile en des lieux très éloignés ; j’ai fait des plans pour atteindre toutes les provinces et nombre de petits districts de Chine, sans comprendre vraiment le sens évident des paroles du Sauveur.

« A toute créature ? Le nombre total de propagateurs parmi les croyants de Chine ne dépassait pas quarante mille. S’il y avait le double d’adhérents ou si ce nombre était multiplié par trois et si chacun d’eux transmettait le message à huit de ses compatriotes, même ainsi, on n’atteindrait pas plus d’un million de personnes. A toute créature : ces paroles me brûlaient l’âme. L’Église et moi ne les avions pas comprises comme Christ le voulait ! Je m’en rendis compte alors ; et pour moi, il n’y avait qu’une issue, obéir au Seigneur.

« Quelle sera notre attitude envers le Seigneur Jésus-Christ en ce qui concerne ce commandement ? Remplacerions-nous par hasard le titre de Seigneur qui Lui fut donné, pour Le reconnaître seulement comme notre Sauveur ? Accepterons-nous le fait qu’Il supprima la peine du péché et refuserons-nous de reconnaître que nous avons été rachetés au prix fort, et qu’Il a le droit d’attendre de nous une obéissance implicite ? Dirons-nous que nous sommes nos propres maîtres, prêts à accorder ce que nous devons à Celui qui nous a rachetés au prix de Son propre sang, à condition qu’Il ne nous en demande pas trop ? Notre vie, ceux que nous aimons, nos biens nous appartiennent-ils ou ne sont-ils pas à Lui ? Donnerons-nous ce qui nous convient et obéirons-nous à Sa volonté s’Il ne nous demande pas trop de sacrifices ? Sommes-nous prêts à laisser Jésus-Christ nous emporter au ciel, sans Le laisser régner sur nous ?

« Le cœur de tout fils de Dieu repoussera sans aucun doute de tels faits ainsi formulés ; mais n’est-il pas vrai que d’innombrables croyants, de toutes générations, se comportèrent et se comportent comme s’il s’agissait là du fondement même de leur vie ? Peu nombreux sont ceux parmi le peuple de Dieu qui reconnaissent comme une vérité le fait que Christ est le Seigneur absolu ou qu’Il ne l’est pas du tout. Si c’est nous qui portons jugement sur la Parole de Dieu et non la parole qui nous juge ; si nous concédons à Dieu uniquement ce qui nous convient, alors c’est nous qui sommes les seigneurs et Lui qui est notre débiteur et, en conséquence, Il doit nous être reconnaissant de l’aumône que nous Lui faisons ; Il doit éprouver de la gratitude parce que nous acceptons Ses désirs. Si au contraire, c’est Lui le Seigneur, alors nous devons Le traiter comme le Seigneur : pourquoi m’appelles-tu Seigneur, Seigneur, et ne fais-tu pas ce que je dis ? »

C’est ainsi que Hudson Taylor reçut à l’improviste la plus grande vision de sa vie, une vision qui domina la dernière décennie de son ministère. Les cheveux déjà gris, après cinquante-sept années d’expérience, il fit face à un nouveau sentiment de responsabilité avec la même foi et la même confiance qui le caractérisaient dans sa jeunesse. Son âme brûlait lorsqu’il méditait sur ses anciennes intentions ! Il en ressortait encore plus résolu à accomplir la vision d’autrefois !

C’est ainsi qu’il se sentit poussé à rassembler tous les groupes évangéliques qui travaillaient à l’évangélisation de la Chine, et qu’il leur demanda de prier et de travailler afin d’augmenter le nombre des missionnaires et d’en envoyer mille de plus en l’espace de cinq ans. Le nombre exact des missionnaires envoyés en Chine au cours de cette période fut de mille cent cinquante-trois !

Il n’est pas étonnant que les forces physiques de Hudson Taylor aient commencé à diminuer, en raison non seulement des privations et de la fatigue de ses voyages continuels, des efforts épuisants pour écrire et prêcher, mais aussi du poids des responsabilités immenses et innombrables que lui imposait la direction de la Mission de la Chine intérieure. Ceux qui le connaissaient intimement savaient que c’était un homme usé d’avoir tant aimé.

La merveilleuse récolte d’âmes qui avait lieu en Chine augmentait sans cesse, mais la situation politique du pays empirait chaque jour, pour atteindre son comble lors du massacre des Boxers, en 1900, lorsque des centaines de croyants furent assassinés. La Mission de la Chine Intérieure à elle seule perdit cinquante-huit des ses missionnaires et vingt-et-un de ses enfants.

A cette époque, Hudson Taylor et sa femme se trouvaient à nouveau en Angleterre, lorsque commencèrent à arriver les télégrammes qui, l’un après l’autre, rapportaient les horribles événements qui se passaient en Chine ; ce cœur qui aimait tant chacun des missionnaires cessa presque de battre à l’annonce de ces nouvelles. A propos de ces drames, il écrivit : « Je ne peux plus lire, ni penser, ni même prier, mais je peux avoir confiance. »

Un jour, quelques mois plus tard, Hudson Taylor, le cœur débordant de douleur et le visage inondé de larmes, raconta ce qu’il avait lu dans la lettre qu’il venait de recevoir de deux missionnaires qui l’avaient écrite la veille même de leur assassinat par les Boxers. Voici ce qu’il dit :

« Oh! Quelle joie d’échapper à une telle meute de gens furieux pour se réfugier en présence du Seigneur, pour se reposer en Son sein et contempler Son sourire ! » Lorsqu’il put continuer, il ajouta : « Ils ne se repentent pas maintenant, car ils possèdent la couronne incorruptible ! Ils marchent avec Christ, vêtus de blanc car ils en sont dignes. »

Parlant de son grand désir d’aller à Shanghai, pour être aux côtés des réfugiés, il dit : « Je ne sais pas si je pourrais les aider, mais je sais qu’ils m’aiment. S’ils pouvaient venir auprès de moi avec leur douleur pour que nous pleurions ensemble, au moins ils pourraient être un peu consolés. » Mais, se souvenant qu’il lui était impossible d’entreprendre un tel voyage en raison de sa santé affaiblie, sa tristesse lui paraissait plus grande qu’il ne pouvait le supporter.

En dépit de son profond regret devant son impossibilité à travailler comme de coutume, il trouva un grand réconfort à rester auprès de sa femme qu’il aimait tant. Pour eux, l’époque où ils devaient passer de longs mois et même des années séparés en raison des luttes qu’il devait mener en tant de lieux était terminée.

C’est le 30 juillet 1904 que sa femme mourut. « Je ne ressens aucune douleur, aucune douleur », lui dit-elle, malgré les difficultés qu’elle éprouvait à respirer. Puis, à l’aube, sentant l’angoisse spirituelle de son mari, elle lui demanda de prier et de demander au Seigneur de venir la chercher le plus vite possible. Ce fut la prière la plus difficile que dut faire Hudson Taylor de toute sa vie, mais par amour pour elle, il supplia Dieu de libérer l’esprit de son épouse bien-aimée. Lorsqu’il eut prié, en quelques minutes l’agonie cessa et elle s’endormit peu après en Christ.

La désolation spirituelle qu’éprouva Hudson Taylor après le départ de sa fidèle campagne fut indescriptible. Toutefois, il trouva une paix ineffable dans cette promesse : « Ma grâce te suffit. » Il retrouva quelques forces physiques et au printemps, il entreprit son septième voyage aux Etats-Unis, d’où il gagna la Chine pour la dernière fois, débarquant à Shanghai le 17 avril 1905.

Le courageux chef de la Mission, après une longue absence, fut reçu partout avec de grandes démonstrations d’amour et d’estime de la part des missionnaires et des croyants, surtout ceux qui avaient échappé aux horreurs indescriptibles de l’insurrection des Boxers. A Chin-Kiang, le vieux missionnaire se rendit au cimetière où étaient gravés les noms de quatre de ses enfants et de sa femme. Les souvenirs étaient motif à immense joie, puisque le jour de la grande réunion approchait.

Au milieu de sa tournée de visites aux églises de Chine, alors que personne ne s’y attendait, pas même lui, sa vie sur terre prit fin. Cela se produisit dans la ville de Chang-Sha, le 3 juin 1905. Sa belle-fille en fit le récit suivant :

« Notre cher papa était couché. Selon sa coutume, il sortit de son portefeuille les lettres de ceux qu’il aimait et les étala sur le lit. Il se pencha pour lire une des lettres près du chandelier allumé qui était placé sur une chaise à côté du lit. Afin qu’il ne se sente pas trop mal à l’aise, je pris un autre oreiller que je lui plaçai derrière la tête et je m’assis sur une chaise près de lui. J’attirai son attention sur les photographies de la revue Missionary Review qui était ouverte sur le lit. Mon mari, Howard, était sorti chercher quelque chose à manger, lorsque soudain papa tourna la tête et ouvrit la bouche comme s’il allait éternuer. Puis il ouvrit la bouche une deuxième, puis une troisième fois, mais il ne dit rien, il ne prononça pas un mot. Il ne semblait avoir aucune difficulté à respirer ni souffrir d’aucune anxiété. Il ne me regarda pas […] il ne semblait pas conscient […] Ce n’était pas la mort : c’était l’entrée dans la vie immortelle. Son visage reflétait le repos et la sérénité ; les rides qui l’avaient creusé, témoins du poids de longues années de luttes, semblaient s’être effacées en quelques instants. Il ressemblait à un enfant endormi dans le giron de sa mère ; la chambre elle-même semblait remplie d’une paix ineffable. »

Dans la ville de Chin-Kiang, sur la rive du grand fleuve large de plus de deux kilomètres, on enterra le corps de Hudson Taylor.

Les lettres de condoléances des fidèles fils de Dieu affluèrent en très grand nombre du monde entier. Les cultes célébrés à sa mémoire dans plusieurs pays furent émouvants. Les articles et les livres publiés sur ses victoires au service de l’œuvre de Dieu furent impressionnants, mais les voix les plus remarquables, celles que Hudson Taylor aurait le plus appréciées s’il avait pu les entendre, furent celles des nombreux enfants chinois qui, en chantant les louanges de Dieu, placèrent des fleurs sur sa tombe.

Référence: Les Héros de la Foi, Orlando Boyer. Éditions Vida.

Source : http://sentinellenehemie.free.fr/bio_hudsontaylor1.html


Film : La vie de Hudson Taylor

Notes

  1. Interrogé par l’Express UK, Ron Boyd-MacMillan, directeur de la recherche stratégique de l’organisation chrétienne Open Doors, pense savoir pourquoi « l’église chinoise est si ciblée ». Il l’affirme, « les dirigeants ont peur de la taille de l’Église et de la croissance de l’Église ». Il précise que le nombre de chrétiens pourrait atteindre les 300 millions d’ici 2030. « Et s’il se développe, au rythme où il le fait, depuis 1980, soit entre environ 7 et 8 % par an, alors vous regardez un groupe de personnes qui comptera 300 millions de personnes, aux alentours de 2030. Et, vous savez, les dirigeants chinois font vraiment une planification à long terme, je veux dire, leur plan économique va jusqu’en 2049, donc cela les dérange. Parce que je pense que si l’Église continue de grandir ainsi, alors ils devront partager le pouvoir. » (« 300 millions de chrétiens en Chine d’ici 2030 : « Les dirigeants ont peur de la croissance de l’Église », Info Chrétienne, 22 décembre 2021.)
  2. Cette remarque sur le pentecôtisme chinois est tout à fait en décalage avec les caractéristiques du mouvement. Le christianisme chinois traditionnel renoue avec la réalité et la pratique des charismes spirituels comme à l’époque primitive, sans en faire le centre de l’attention. Cela n’a rien à voir avec la frivolité et les manifestations émotionnelles ou corporelles débridées et incontrôlées qui se retrouvent si couramment dans les mouvements charismatiques occidentaux contemporains.

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