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Un message d’exhortation de Samuel Petterschmitt

19 mars 2020

Samuel Petterschmitt est le pasteur principal de l’église Porte Ouverte de Mulhouse qui a été touchée par le Covid-19. Il a été lui-même affecté par le virus et a été hospitalisé. Il vient de sortir de l’hôpital et adresse un message d’exhortation à l’Église de France.


L’église Porte Ouverte de Mulhouse a été ces dernières semaines sous le feu des projecteurs médiatiques, médias qui ont profité de la situation, comme de coutume, pour jeter l’opprobre sur les églises évangéliques.

Henrik Lindell, ancien évangélique devenu catholique, « remet les choses au point » à propos d’un article clairement déplacé du Figaro qui atteint les sommets de la désinformation et de la mauvaise foi et qui rappelle l’époque où les chrétiens étaient honnis et vus comme la menace numéro une de l’ordre public.

« Que s’est-il donc passé pour
en arriver à cette journée d’août 177 où furent offerts aux bêtes fauves les corps déjà suppliciés et torturés d’une quarantaine d’hommes et de femmes qui se disaient chrétiens? Le spectacle,
car il s’agit bien d’un spectacle, a lieu dans la magnifique amphithéâtre des Trois Gaules, qui, construit sous Tibère pour réunir les délégués des cités, fut agrandi depuis, afin d’accueillir la foule avide des jeux.

C’est là que sont livrés aux fauves ou que sont exécutés par d’autres supplices Alexandre, médecin originaire de Phrygie, Attale, citoyen romain venant de Pergame, Blandine, la jeune esclave, Ponticus, adolescent de quinze ans, esclave lui aussi, Sanctus, diacre de Vienne, et tous les autres…

Tous très affaiblis par les tortures qu’ils ont subies de la part de la police romaine pendant des journées entières, ils offrent leur vie dans un ultime acte de courage. L’histoire a surtout retenu le nom de Blandine, dont l’Eglise a fait une sainte à cause de sa foi et de sa détermination,
malgré son jeune âge : elle ne cessait de répéter tout au long de son supplice : « Je suis chrétienne, on ne fait pas de mal chez nous. »

Pourquoi ces persécutions? Il paraît clair que les chrétiens sont perçus comme appartenant à des sectes secrètes et à cet égard suspectes. En outre, leur attitude de rejet sans concession à l’égard de toutes les autres formes de religion ainsi que leur refus de participer au culte impérial font douter de leur loyauté et de leur civisme; leur refus de célébrer Marc Aurèle après ses victoires sur les barbares est interprété dans ce sens. Enfin leur espérance en la fin
du monde et des temps irrite et déchaîne la colère. Les chrétiens veulent-ils donc la fin de l’empire? La question prend une singulière acuité en cette fin du IIème siècle où la crise économique et politique frappe celui-ci de plein fouet. Dans ces conditions, les chrétiens semblent constituer des boucs émissaires, sacrifiés au nom de la paix et de l’ordre. » [Il était une
fois la France, Vingt siècles d’histoire » (1989, 1987, Selection
du Reader’s Digest).]

« Voici un cas d’école d’hystérisation et de production de fake news qui risque de se multiplier en ce temps de pandémie. Dans cet article publié par Le Figaro (un très bon quotidien par ailleurs et que je cite souvent positivement sur ma page), le journaliste a établi un parallèle entre une église évangélique, la Porte ouverte chrétienne (POC), et … le djihadisme. Je ne cherche pas à critiquer personnellement ce journaliste – chacun a le droit à l’erreur (et Dieu sait que j’en ai fait, mon épouse, mes collègues, mes chefs et même mes amis facebookiens en savent quelque chose) – mais les chefs qui ont validé cette publication – et dont le rôle est notamment celui du recul et du regard critique – méritent de savoir qu’ils participent ici à une chasse aux sorcières. Car voici des personnes intègres – et que je connais – qui sont tout bonnement comparées à des islamistes terroristes. Quelle honte ! Et quelle infamie absurde !
Comment est-ce possible ? Pour comprendre, je vais d’abord vous faire lire le texte (une partie de l’article) que j’incrimine, puis je vais le déconstruire. Voici le texte : « Cette affaire jette une lumière crue sur la communauté Portes ouvertes chrétienne, construite sur le modèle des « megachurch » pentecôtistes, avec à sa tête Samuel Peterschmitt, entouré d’une équipe de « pasteurs » et d’une vingtaine de salariés, qui n’a cependant pas réussi à se faire admettre à la Fédération protestante de France. « On y impose les mains, on s’embrasse, on se prend dans les bras, on pleure », raconte un élu, invité à une célébration. « L’accent est mis dans ces églises sur la guérison et les miracles », observe un pasteur réformé, en pointant du doigt le prosélytisme qui y est pratiqué. Selon lui, ce jeûne – dont on ignore dans quelles conditions il s’est déroulé – « ne s’inscrit pas dans une ligne protestante… » D’aucuns s’étonnent aussi de la présence de 300 enfants et de plusieurs enseignants et personnels de l’Education nationale. « Il y avait 12 Atsem, travaillant en écoles maternelles, en contact direct avec des enfants des écoles publiques », s’étonne la sénatrice Catherine Troendlé qui a travaillé sur le désendoctrinement des djihadistes. Et veut interpeller le ministre de l’Intérieur sur « ce qui pourrait être une autre forme d’endoctrinement ». »

Et voici ma déconstruction, phrase par phrase, impliquant par exemple un peu de fact checking (rôle qui devrait être celui du journaliste, justement, mais passons…) :
D’entrée de jeu, le journaliste parle d’une lumière « crue » qui serait jetée sur une communauté. Quelle lumière « crue » ? Qu’est-ce que le journaliste a donc découvert ? Que le pasteur principal serait entouré d’une équipe de « pasteurs » mis entre guillemets comme s’ils n’étaient pas de vrais pasteurs ? Moi, je peux confirmer que ce sont des vrais pasteurs, formés à ce métier (car c’en est un, chez les protestants). Ou s’agit-il de dénoncer le fait que la communauté n’a « pas réussi à se faire admettre à la Fédération protestante de France » ? Information étonnante, suggérant que la POC était mal perçue chez les « bons » protestants que l’on aime bien chez les chrétiens bienpensants. Environ une minute de vérification aurait suffi pour constater que la POC est quand même membre de la Fédération des Églises du Plein Évangile en Francophonie (FEPEF) qui, à son tour, fait partie du Conseil national des évangéliques de France (CNEF), un interlocuteur essentiel des pouvoirs publics. Autrement dit, la POC est bien intégrée dans des instances représentatives des Eglises évangéliques de ce pays. Ce que le journaliste omet assez scandaleusement de signaler.
La deuxième phrase est intéressante dans la mesure où elle est totalement hors sujet, mais révélatrice de ce qui semble intéresser le journaliste. Le lecteur apprend en effet ceci : «’ On y impose les mains, on s’embrasse, on se prend dans les bras, on pleure ‘, raconte un élu, invité à une célébration. » C’est-à-dire : les gens de la POC se livrent à une pratique très chrétienne, selon la tradition, parfaitement conforme aux Actes des Apôtres. C’est sûrement cette pratique-là qui a permis la malheureuse propagation du virus, mais cela ne la rend pas moins chrétienne (y compris selon la tradition). Mais il est étrange que le journaliste cite « un élu » pour raconter cette expérience-là. Qui est donc cet élu ? Et pourquoi le journaliste ne s’est-il pas renseigné auprès d’un membre de l’Eglise pour savoir ce que font les gens de la POC, qui n’ont strictement rien à cacher (selon mon expérience de journaliste) ? C’est vraiment comme s’il y avait quelque chose de suspect dans cette pratique d’imposer les mains, de s’embrasser et de pleurer… Mais bienvenu dans le christianisme vivant, mon gars ! Et si tu ne le sais pas, c’est parce que tu n’as aucune culture religieuse et que l’élu que tu as consulté n’en a pas non plus !
Les deux phrases suivantes sont sans doute censées aggraver le cas de la POC. Je les rappelle : « L’accent est mis dans ces églises sur la guérison et les miracles », observe un pasteur réformé, en pointant du doigt le prosélytisme qui y est pratiqué. Selon lui, ce jeûne – dont on ignore dans quelles conditions il s’est déroulé – « ne s’inscrit pas dans une ligne protestante… » N’importe quel lecteur qui lit ces phrases et qui n’a aucune culture chrétienne ou protestante – probablement une majorité des lecteurs du Figaro – comprend qu’il y a un problème. Il est question de guérisons et de miracles (c’est donc bizarre, quoi !) et d’un jeûne pointé du doigt d’un « pasteur réformé », comme si tout le monde devait soudainement savoir ce qu’est un pasteur réformé, cité en référence sûre. On ne sait pas qui est ce pasteur, mais on sait qu’il est une bonne référence… On apprend surtout que le journaliste (c’est le « on ne sait pas ») ne sait pas dans quelles conditions s’est déroulé le jeûne, comme s’il pouvait s’agir de quelque chose d’aggravant et de bien mystérieux. Puisque ce jeûne ne serait pas bien protestant (il ne s’inscrit pas dans une « ligne protestante », selon le pasteur réformé).
Pardonnez-moi, mais quelques heures de vérification auraient permis au journaliste d’apprendre en quoi consiste un jeûne et surtout de constater qu’il s’agit d’une pratique fréquente dans les communautés évangéliques (protestantes, par définition). Car les évangéliques lisent la Bible, qui prescrit le jeûne. Donc, ils jeûnent. Ils ne le font pas forcément comme le font les catholiques lors du Carême (puisqu’ils ne sont pas catholiques), mais ils jeûnent, évidemment. Posez la question à n’importe quel évangélique et il vous le dira. Ce que le journaliste a donc soigneusement évité de faire.
Mais le pasteur « réformé » (je dirais borné, car sûrement attaché à une certaine tradition luthérienne ou calviniste qui a voulu supprimer le jeûne traditionnel lors du Carême par pur anticatholicisme) joue un rôle intéressant ici. Car c’est apparemment lui qui permet au journaliste de jeter le soupçon sur la POC. Comme il m’est arrivé de travailler sur le protestantisme dans le Haut-Rhin, je sais – comme tous les informateurs religieux – qu’il y a une guerre engagée de certaines Eglises protestantes traditionnelles à l’égard de la POC. Elles sont terriblement jalouses, puisque la POC pète le feu et réussit à remplir le temple (une grosse faute, aux yeux de la plupart des protestants libéraux…). Puis, il y a des disputes d’ordre théologique qui sont certes intéressantes mais qui n’ont strictement rien à voir avec le sujet.
Mais le fait que le journaliste se laisse séduire par un pasteur « réformé » (Dieu le voit) qui explique que le jeûne n’est pas bien protestant est en soi terriblement emblématique pour notre métier : la plupart des journalistes n’ont aucune culture religieuse et vont donc laisser passer des erreurs factuelles majeures. Ils sont manipulables, en l’occurrence par des chrétiens malveillants qui ont une bonne réputation dans les milieux non-croyants et qui croient que leur rôle est de dénoncer leurs frères chrétiens qui réussissent à remplir leur mission. Le journaliste a surtout été victime de ce phénomène fréquent qui est celui de la dénonciation de certains frères chrétiens jaloux du « succès » (audience, temples remplis, etc.) d’autres chrétiens. Croyez-moi, car je parle de l’intérieur de cet univers-là, ces chrétiens jaloux sont hélas nombreux, y compris dans l’Eglise catholique. Mais ce sont tout simplement des dénonciations calomnieuses. Et toujours lamentables.
La dernière partie du texte que j’analyse ici est limpide. Il s’agit d’assimiler la POC au djihadisme. Selon le journaliste (d’« aucuns ») mais surtout la sénatrice Catherine Troendlé (LR), il faudrait être « étonné » qu’il y avait 12 agents territoriaux spécialisés des Ecoles maternelles (ATSEM) « en contact direct avec des enfants des écoles publiques ».
Juste une question : pourquoi faut-il s’étonner ? La POC n’a rien fait de mal. Sa pratique ne pose aucun problème. Elle a certes été accusée de plein de choses (vous pouvez googéliser pour le découvrir), mais jamais condamnée. Je dirais même que peu de communautés évangéliques sont aussi surveillées que la POC par des tas de services, d’associations de « victimes » et d’élus qui ne rêvent que de la coincer un jour. Sauf que pour le moment, elle ne fait juste pas partie des communautés qui se sont livrées à des pratiques abusives. La réponse est dans la façon de présenter la sénatrice : elle a travaillé « sur le désendoctrinement des djihadistes ». De fait, elle voudrait « interpeller le ministre de l’Intérieur sur ‘ce qui pourrait être une autre forme d’endoctrinement’. »
Mais quel est donc cet endoctrinement ?! Qu’a donc fait la Porte ouverte chrétienne de Mulhouse qui serait tellement dangereuse qu’il faudrait la comparer aux djihadistes ? Ses membres se sont-ils embrassés ? Ou ont-ils pleuré ? C’est cela le problème ?! Ils seraient donc aussi dangereux que des djihadistes ?! Mais comment un journaliste et un journal prestigieux et sérieux peuvent-ils donner du crédit à de telles supputations scandaleuses ?! Et comment travaille cette sénatrice du LR ?
Je suis furieux. Je connais des gens de la Porte ouverte. Je connais des gens qui y vont. Je connais même un pasteur, un ami, qui est actuellement placé en quatorzaine après avoir prié avec une personne qui s’est rendue au désormais fameux rassemblement de la Porte ouverte en février. Un cluster s’est effectivement formé chez ces évangéliques. On peut ironiser là-dessus – « haha, ils croient aux miracles, mais ils répandent le virus en s’embrassant » – mais on ne peut pas les accuser de je ne sais quel abus. Ou alors, il faudrait des preuves, ou au moins des indices, voire des on-dit. Mais il n’y a en a pas ! Je veux dire qu’il n’y en a pas du tout ! Il n’y a rien ! On accuse des gens totalement innocents ici. C’est n’importe quoi. Et la POC a fermé ses portes jusqu’au 17 mars, se pliant rigoureusement aux conseils donnés par les autorités.
Je crois que la réalité est celle-ci : des évangéliques se sont réunis, comme ils ont l’habitude de le faire, ignorant superbement les frontières et les barrières de l’entre-soi chrétien (un phénomène très impressionnant). C’était un grand rassemblement international qui s’est déroulé en février, avant que tout le monde n’ait pu prendre la mesure du danger du coronavirus. Et comme ils sont vraiment chrétiens, ils ont tenu à imposer les mains et à fraterniser chrétiennement, conformément à la tradition. Hélas, ils ont ainsi répandu le virus. Ils ne pouvaient pas le savoir. Mais ils font désormais tout ce qui est en leur pouvoir pour limiter les dégâts. Dieu les bénisse.
Les personnes qui prônent la méfiance à l’égard des fake news et des théories de complot – qui se développent toujours aux moments des pandémies – devraient avoir le courage de défendre maintenant la Porte ouverte chrétienne de Mulhouse. Cela suppose qu’elles osent défendre maintenant des évangéliques, qui ont souvent une mauvaise réputation dans les milieux de ceux qui aiment s’ériger en exemple de citoyenneté. C’est le moment ! Soyez courageux ! Pratiquez les valeurs que vous prônez ! Pour moi, c’est facile, car si je suis catholique, je suis issu des évangéliques que je connais donc bien – et ils seront toujours mes frères et mes soeurs qui m’ont aidé à rencontrer le Christ – mais je vous demande de ne pas laisser passer cet affront qui est fait à l’égard d’une communauté chrétienne qui se voit accusée de torts non précisés d’une façon absurde et extraordinairement injuste.
Et comme j’ai un peu étudié l’Histoire, je sais de quoi sont capables les hommes en temps de pandémie et de peste »

Henrik Lindell.

1 réflexion au sujet de “Un message d’exhortation de Samuel Petterschmitt”

  1. A reblogué ceci sur Phileo-sophiaet a ajouté:
    Attaque honteuse et ignoble du journal Figaro contre une église authentiquement chrétienne….

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