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La fin de la famille ? Par le Dr Peter Jones

Par le Dr Peter Jones

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En tant que chrétiens qui observons les énormes changements comportementaux qui se produisent au sein de la culture occidentale, nous devons évaluer la signification de notre témoignage public dans les jours à venir, que ce soit pour nous individuellement, pour la communauté ecclésiale ou pour nos enfants. Ce ne sera pas une affaire de routine comme d’ordinaire. Une personne a récemment fait l’observation suivante : « Si vous considérez le christianisme américain comme un pendule, alors nous sommes actuellement à l’extrême opposé du Premier Grand Réveil » [1].

Le principe «progressif» que j’ai mentionné dans mon dernier essai repose sur la conviction que l’histoire « progresse » toujours et que le choix intemporel entre l’unicité ontologique [i] et la différenciation ontologique [ii] n’existe pas. Les progressistes n’ont pas confiance en un Dieu souverain et doivent donc constamment essayer de créer leurs propres versions inédites de l’utopie. Ils deviennent des rédempteurs autoproclamés qui créent des récits de catastrophes inéluctables marquées du sceau de l’urgence, et proposent ensuite un nirvana culturel pour répondre aux attentes du monde. La vision utopique est généralement une forme d’égalitarisme ou d’uniformité radicale, qui est la mieux exprimée dans la notion marxiste suivante : «De chacun selon ses capacités ; à chacun selon ses besoins. »

Pour réaliser une utopie égalitaire, il faut détruire toute espèce d’autorité. La plus rudimentaire et la plus cruciale des structures d’autorité humaine est l’autorité des parents sur leurs enfants. Le marxisme traditionnel a tenté de capturer la culture par la destruction de la famille. La dernière version du marxisme fait la même chose. Pour saper la famille, il faut rejeter les récits de la Genèse. Jordan Peterson, un psychologue extrêmement populaire, ne sait pas que faire de la Bible, si ce n’est la garder, l’étudier et tenter de la respecter. Récemment, la Faculté de théologie de Cambridge (au Royaume-Uni) ne l’a pas autorisé à donner des conférences. Peterson veut s’en tenir à certaines des «histoires anciennes» :

… Il importe que les gens du monde entier comprennent ces histoires anciennes. Cela a une importance profonde. Nous sommes en train de lâcher les amarres, car nous ne partageons plus la structure sous-jacente à ces histoires. Cela est psychologiquement déstabilisant. Cela produit un nihilisme pathologique et désespéré de plus en plus courant et, en même temps, une inclination prononcée pour des certitudes idéologiques qui imitent, mais ne peuvent pas remplacer la véritable croyance religieuse. Comme l’indiquent avec certitude les éléments de preuve, ces deux conséquences sont sources de conflit et sont véritablement dangereuses [2].

Le 6 mars 2019, Jihan McDonald a publié un article intitulé “Beyond Patriarchy: An Unexpected Encounter” (Au-delà du patriarcat : une rencontre inattendue), dans lequel elle cherche à «habiliter les personnes et les organisations à créer des solutions culturelles fondées sur les valeurs ancrées dans la diversité, l’équité, l’inclusion et la guérison» [3]. ] L’article est publié dans le magazine Tikkun, créé par le rabbin Michael Lerner, un gauchiste radical des années soixante. Mme McDonald est une lesbienne noire féministe et un maître spirituel. Le titre du magazine en hébreu signifie « réparer / rectifier » et donc « réparer le monde ». L’article de McDonald représente le fruit mûr de l’utopisme révolutionnaire des années 1960. Le combat originel des égalitaristes était en faveur d’un traitement équitable dans la culture et dans l’Église, mais peu ont vu ce qui se profilait à l’horizon. Cet article élabore une nouvelle définition du patriarcat. Nous devons maintenant adopter toutes les formes de «diversité, d’équité, d’inclusion et de guérison». L’objectif est la ressemblance uniforme. En d’autres termes, la destruction du patriarcat est justifiée parce qu’il est perçu comme un adversaire pervers de l’égalitarisme total, qui doit éliminer toutes les distinctions fondées sur le sexe et le genre.

Le patriarcat auquel s’oppose Mme McDonald n’est pas enraciné dans une simple réaction contre une rémunération inégale ou une restriction des rôles que les femmes peuvent jouer dans l’armée. L’attaque contre le patriarcat traditionnel a été portée sur la famille naturelle, dans laquelle les maris étaient considérés comme des pères et des protecteurs, et les épouses, des mères destinées à éduquer des enfants, privant ainsi les femmes de leur liberté. A partir de ce point de vue « libéré », l’Église s’est scindée en deux groupes : ceux qui ont ouvert la direction de l’Église aux hommes et aux femmes et ceux qui ont défendu le complémentarisme biblique, dans lesquels les hommes dirigent en occupant des postes ordonnés, mais les femmes sont respectées comme des compléments indispensables pour le plein fonctionnement du corps du Christ.

Nous ne parlons plus de cette définition du patriarcat. Le 27 février 2019, un juge canadien a décidé que les médecins pouvaient commencer à injecter de la testostérone à une fillette de 14 ans sans le consentement de leurs parents. Voilà pour le rôle important des pères et des mères ! [4]

Le patriarcat traditionnel a été critiqué parce qu’il considérait l’histoire comme étant l’histoire au masculin[iii]. « L’HISstoire de l’humanité », dit McDonald, « avec son préjugé masculin, n’est plus aujourd’hui l’histoire complète ». Et McDonald poursuit :

Dans ma propre existence non binaire, l’adjectif possessif son ou sa ne peut pas raconter [mon histoire] pleinement. Si je veux parler de la vision de soi en tant qu’unité complexe, de la vision de soi en tant que microcosme de l’histoire totale de l’univers, de ce qui vit au-delà du catégorique, alors je dois m’éloigner de l’histoire au MASCULIN et de l’histoire au FEMININ et entrer dans l’histoire au genre neutre[iv] : cette histoire que la Terre se raconte à elle-même à travers nous, cette histoire que la Terre raconte à travers nous, et vice versa. L’histoire neutre vit à l’intersection étrange de l’histoire au MASCULIN et de l’histoire au FEMININ. Une seule histoire. Sans genre. Queer. Permanente [5].

«Au-delà du patriarcat» est une extension radicale de la révolution introduite par les années Soixante. L’on nous dit maintenant qu’être une femme ou un homme n’est pas quelque chose que l’on est, mais que l’on décide de faire. Biologiquement, les « hommes » et les « femmes » n’existent pas [6]. Cette thèse est puissamment exprimée dans les écrits de la féministe postmoderne Judith Butler dans ses livres, Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity (1990) et Undoing Gender (2004) [8]. Elle considère le genre comme une « théorie de la performativité ». Il n’y a pas de prédétermination de la création divine. Il n’y a que l’autocréation. L’on se souvient de la célèbre déclaration d’une des premières féministes, Simone de Beauvoir, qui avait déjà déclaré en 1949 : « On ne naît pas femme ; on le devient » [9]. Le genre est un statut construit radicalement indépendant de la biologie ou des traits corporels, « un artifice flottant librement, avec pour conséquence que l’homme et le masculin pourraient tout aussi facilement désigner un corps de femme que celui d’un homme, et qu’une femme et le féminin, désigner un corps masculin tout aussi facilement qu’un corps féminin » [10].

La culture présente sera-t-elle pratiquement invivable pour les chrétiens ? Comment pouvons-nous aimer les gens et la vérité, si nous devons nier ce qui fait l’essence de l’humanité ? Une mère noire chrétienne, Izzy Montague, de Croydon, dans le Sud de Londres, a été qualifiée d’« homophobe » après avoir affirmé en direct à la télévision qu’être gay était un choix et que personne ne naît homosexuel. Elle a été violemment critiquée par les téléspectateurs de l’émission Good Morning Britain, de la chaîne de télévision ITV, qui a affirmé qu’elle était « fanatique » et « appartenait aux années 1500 » avec des opinions « absolument dégoûtantes » [11]. Un téléspectateur a écrit au programme télévisé : « De quel siècle avez-vous récupéré cette invitée ? » [12]

La nouvelle conception du «patriarcat» est si largement acceptée que l’établissement de distinctions est devenu extrêmement insultant pour les législateurs. Le ministère de l’éducation de Californie, qui fait partie de cette réalité «post-patriarcale», propose de nouvelles « directives de santé » dans un livret intitulé «Qui êtes-vous?». Avec une assurance désarmante, ces éducateurs modernes expliquent aux étudiants qu’il existe au moins quinze genres et qu’il est impossible à quiconque de déterminer si un bébé est un garçon, une fille ou quelque chose d’autre [13].

Les croyants chrétiens doivent faire savoir avec soin et respect que la destruction du patriarcat élimine la réalité de la paternité, sans laquelle il n’y a pas de famille. C’est aussi un rejet de l’étonnante révélation de Jésus sur Dieu en tant que Père aimant, qui est à la base même du message chrétien. La paternité est la base du succès de la chrétienté occidentale qui, avec tous ses défauts, dure depuis des siècles et repose sur la croyance en Dieu en tant que Père et Créateur. Le rejet du patriarcat est une forme de gnosticisme, puisque les gnostiques rejetaient le don de la création au profit de leur propre vision subjective de la réalité. Le philosophe Eric Voegelin (1901-1985) a déclaré : « Tous les mouvements gnostiques participent au projet d’abolition de la constitution de l’être, qui trouve son origine dans l’être divin et transcendant » [14].

En tant que chrétiens, nous devons montrer par nos vies et nos paroles que la détermination des distinctions est l’objectif principal de la création d’un cosmos et constitue l’unique moyen d’approcher Dieu, le saint Créateur et Rédempteur. La tentation est de « s’autocensurer » en se taisant. Mais exiger le silence des croyants, c’est comme demander aux premiers chrétiens de brûler de l’encens à César en tant que Seigneur dans le cadre d’une expression active du polythéisme. Nous devons montrer de l’amour aux personnes « sans genre » tout en aimant notre Créateur et notre Père avant tout. Nous devons expliquer à nos enfants chrétiens l’essence de l’«a-sexualité » qui nie Dieu, tout en leur enseignant à respecter chaque être humain, dans la mesure où ils sont tous créés à l’image de Dieu. L’amour de Christ est accessible à tous. L’Église doit montrer l’amour de Jésus aux homosexuels et aux personnes « sans genre », même si notre témoignage signifie perdre notre travail ou notre réputation. En cette période de rejet délibéré des foyers et des pères, puissions-nous utiliser nos familles comme lieux d’accueil pour ceux qui en ont besoin. Le message chrétien ne doit pas être réduit au silence, mais il doit être accompagné d’actes d’amour courageux et d’expressions hardies. Bien que cette culture post-patriarcale puisse être différente de celle que nous avons connue, c’est le lieu où Dieu nous a placés pour prêcher l’Évangile avec une grande clarté.

Cette culture utopique, dirigée vers la dystopie, ne sera une utopie que pour les progressistes qui renieront Dieu et qui se sentent appelés à sauver leur monde en éliminant toutes les structures de la création. Cela va échouer. Cela va imploser. Ainsi, nous devons prier pour que Dieu ait pitié de nous, utilise notre courageux témoignage de sa vérité et provoque une faim, au sein de la culture environnante, de la Parole de Dieu, de sa volonté et de son honneur dont découle toute dignité humaine. Un jour, l’ultime utopie viendra lors du repas des noces de l’Agneau, où Christ, l’époux et le patriarche, emmènera son épouse, l’Église, dans une réalité renouvelée qui rendra la gloire éternelle à Dieu, son Créateur et son Sauveur. En ce jour-là, les paroles finales de l’Écriture seront entendues dans tout le cosmos sur les lèvres de la famille de Dieu renouvelée :

« Tu es digne, notre Seigneur et Dieu, de recevoir gloire, honneur et puissance, car tu as créé toutes choses, et par ta volonté elles existent et ont été créées » (Apocalypse 4:11).
Notes :

[1] http://www.freerepublic.com/focus/f-religion/3737511/posts.

[2] https://nationalpost.com/opinion/jordan-peterson-i-wish-cambridges-faculty-of-divinity-the-obscurity-it-deeply-deserves.

[3] Jihan McDonald, “Beyond Patriarchy: An Unexpected Encounter” (Tikkun, 6 mars 2019).

[4] http://www.freerepublic.com/focus/f-chat/3736623/posts.

[5] Jihan McDonald “Beyond Patriarchy: An Unexpected Encounter” (Tikkun, 6 mars, 2019).

[6] Benoit Denizet-Lewis, “The Scientific Quest To Prove Bisexuality Exists”, The New York Times Magazine, 20 mars 2014, http://www.nytimes.com/2014/03/23/magazine/the-scientific-quest-to-prove-bisexuality-exists.html.

[7] Judith Butler, Gender Trouble: Feminism And The Subversion Of Identity (New York: Routledge, 2006, 1999, 1990). Voir le résumé de son œuvre sur Wikipedia.

[8] Benoit Denizet-Lewis, “The Scientific Quest To Prove Bisexuality Exists”, The New York Times Magazine, 20 mars 2014, http://www.nytimes.com/2014/03/23/magazine/the-scientific-quest-to-prove-bisexuality-exists.html.

[9] Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe (Gallimard, 1949, 2004), telle que citée dans Judith Butler, Gender Trouble: Feminism And The Subversion Of Identity (New York: Routledge, 1990, 1999, 2006), 1.

[10] Judith Butler, Gender Trouble: Feminism And The Subversion Of Identity (New York: Routledge, 1990, 1999, 2006), 9.

[11] https://www.dailymail.co.uk/news/article-6833863/Christian-mother-tells-gay-man-sexuality-choice.html.

[12 ]https://www.dailymail.co.uk/news/article-6833863/Christian-mother-tells-gay-man-sexuality-choice.html.

[13] http://www.freerepublic.com/focus/f-news/3737272/posts.

[14] Eric Voegelin, Science, Politics, and Gnosticism: Two Essays (Chicago: Henry Regnery, 1968), 99-100, cité dans https://www.catholicworldreport.com/2015/05/12/the-new-gnosticism-of-the-homosexual-movement/.

Source : https://truthxchange.com/2019/04/the-end-of-the-family/


Notes du traducteur :

[i] En anglais, « oneism ». Ce mot désigne chez Peter Jones un mouvement idéologique d’uniformisation globale et globaliste qui cherche à éliminer toutes différences et distinctions ontologiques ou essentielles, entre les religions, entre les peuples, entre la création et la créature, entre les sexes, etc.

[ii] En anglais, « twoism », néologisme forgé par Peter Jones pour désigner l’idée de l’existence et du maintien des distinctions ontologiques essentielles, par opposition à l’unicité ontologique.

[iii] Jeu de mots en anglais avec « His Story » (littéralement « Son Histoire », c’est-à-dire l’histoire désignée par un adjectif possessif masculin, indiquant qu’il s’agit de l’histoire d’un homme) qui ne peut pas être rendu en français.

[iv] En anglais, « this story » où l’utilisation de l’adjectif démonstratif « this » est destinée à s’affranchir de toute détermination du sexe. Malheureusement, en français, l’adjectif possessif ne s’accorde pas avec le genre du possesseur, mais avec le genre grammatical de la chose possédée, et donc la traduction de cet adjectif par « cette » ne rend pas compte de l’intention originelle.

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